Alors que la justice a ouvert une enquête pour «pratiques commerciales trompeuses» contre l’agence de Magali Berdah suite à une plainte du rappeur Booba, cette affaire entache tout le secteur de l’influence marketing. Décryptage.
L’affaire : Un clash virtuel violent
Depuis le mois de mai, le rappeur influent Booba (près de 6 millions d’abonnés sur Twitter), grand amateur de « clashs » sur les réseaux sociaux, s’est donné pour mission de dénoncer les arnaques des « influ-voleurs » (sic) via le dropshipping, notamment. Dans le fond, ce combat ne peut être que louable. Mais dans la forme, Élie Yaffa (le nom de Booba) s’adonne à des comportements frisant avec l’appel à la haine, le harcèlement, le dénigrement, etc. Et notamment envers sa cible fétiche : Magali Berdah, fondatrice de l’agence Shauna Events, spécialisée dans les influenceurs issus de la téléréalité. Pour se défendre, cette dernière multiplie les prises de parole, se posant en représentante principale de la profession. L’affaire a pris une tournure plus médiatique avec la publication d’un article par Libération, qui en a même fait sa Une le 28 juillet 2022, prenant assez clairement le parti du chanteur.
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L’impact : L’image d’un secteur entachée
Le problème, c’est que ce conflit bruyant entre deux personnes influentes vient cristalliser aux yeux du grand public et des médias une perception biaisée du marché. D’un côté, Booba qui ne montre qu’une infime frange de la filière et ses dérives, et de l’autre, Magali Berdah qui se présente comme la créatrice - en 2016, tandis que le marché existe depuis au moins 10 ans - de l’influence marketing. « Il faut bien avoir en tête qu’on répertorie une trentaine de stars de la téléréalité qui opèrent des opérations commerciales sur leurs réseaux sociaux sur un total de 150 000 créateurs de contenus au total en France », souhaite rétablir Mohamed Mansouri, directeur délégué de l’Autorité de régulation professionnelle de la Publicité (ARPP). C’est donc bien une image réductrice de l’activité d’influenceur qui est visée par cette affaire. « Le marketing d’influence ne se limite pas à la diffusion de codes promos entrecoupés de scènes de vie intime, martèle Emilie Marie-Victoire, head of influence chez Havas Play. C’est omettre la grande diversité de cette profession, sa créativité, ses talents, les différentes verticales : lifestyle, streaming, influence de niche, art, etc. Finalement, Shauna Events ne représente que la partie la moins qualitative de ce mode de communication. »
Les suites : Une prise de parole des créateurs ?
Comment, dans ces conditions, conserver la confiance à la fois des consommateurs, mais également des annonceurs, qui investissent leur budget dans l’influence ? « Ce qu’il faut espérer, c’est que cette mise en lumière de la profession d’influenceur mais également de celui d’agence d’influence, vienne éclairer justement les cadres et les règles édictées depuis des années et qui continuent à se renforcer tous les jours », entrevoit Mohamed Mansouri. Depuis des années, l’ARPP, mais également la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes), l’AMF (Autorité des marchés financiers) ou l’ANJ (Autorité de régulation des jeux en ligne), travaillent pour structurer et réguler ce marché : prescription de standards d’identification des collaborations, règles déontologiques et éthiques, observatoire des bonnes pratiques, certificat pour une influence responsable, formation pédagogique des parties prenantes, etc. Mais cette affaire soulève également une autre problématique : le manque d’interlocuteurs professionnels pour parler au nom des créateurs de contenus dans leur diversité : un syndicat, une association professionnelle… Car qui de mieux que les influenceurs eux-mêmes (Squeezie, Lena Situations, EnjoyPhoenix, par exemple) pour prendre la parole et défendre la profession contre l’opprobre qui lui est actuellement jetée ?