Le cinéma est le seul média à ne pas retrouver son niveau d’avant crise. La faute à un bouleversement des habitudes que n’explique pas seulement l’explosion de la SVOD.
Coup sur coup, deux études sont venues rappeler les difficultés d’un média que le Festival de Cannes, malgré ses 28 millions de téléspectateurs cumulés sur France Télévisions, ne parvient pas à éclipser. La première, Media Trends, signée Ifop pour Stratégies, a été menée lors de la première quinzaine d’avril auprès de 177 professionnels de la publicité : elle montre que le cinéma est le seul média dont une majorité de sondés (61%) pense qu’il va subir un déclin de ses investissements publicitaires (31% estimant que ses recettes pub vont seulement stagner).
L’autre, présentée à Cannes le 23 mai par le CNC, témoigne que la réouverture des salles, le 19 mai 2021, n’a pas entraîné un effet de rattrapage à la hauteur des attentes : la fréquentation est, depuis, en baisse de 28%. Et ce, malgré un soutien public sans faille : « On a fonctionné avec 315 millions de crédits d’État exceptionnels sur deux ans », rappelait fin mars Magali Valente, directrice du cinéma du CNC.
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Après une année 2020 aux 162 jours de fermeture de salles et aux 65,3 millions d’entrées, la France est loin d’avoir retrouvé ses niveaux d’avant crise en 2021, aux 138 jours de fermeture : le nombre d’entrées est en effet monté à 95,5 millions… contre 213,2 millions de billets vendus en 2019. On peut se consoler en se disant que ce recul (-55%) est moins fort qu’au Royaume-Uni, en Allemagne et surtout en Italie, mais il importe d’en comprendre les causes.
Surprise, la SVOD n’explique pas tout. Certes, la baisse de la fréquentation est d’abord due, chez les 15-35 ans, à la préférence pour d’autres supports (36%), mais le prix du billet trop cher est le premier motif (à 46%) chez les 35-59 ans et la perte d’habitude arrive en premier chez les 60 ans et plus (à 51%). Le covid laisse donc des traces bien plus profondes qu’escompté puisque près d’un spectateur sur deux (48%) déclare ne pas avoir renoué avec ses habitudes antérieures. Au-delà du port du masque et des contraintes sanitaires, qui ont lourdement handicapé la reprise, l’emporte aussi l’idée qu’une séance de cinéma pour un soir est parfois plus coûteuse qu’un abonnement à une plateforme pour un mois.
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Ce sont les 15-24 ans qui ont été les plus nombreux à avoir retrouvé le chemin des salles, puisque le recul n’est que de 10,5 points sur cette classe d’âge où le média est le plus présent (73,1% de pénétration). Ce qui montre bien l’importance de l’effet tarifaire, le pass culture ayant permis à près de 2 millions de billets d’être achetés par des jeunes de 18 ans ou moins. La fréquentation est en revanche plus occasionnelle chez les 25-34 ans (où le nombre d’entrées moyen passe de 5,5 à 1,6 en deux ans) et les 35-59 ans (de 4 à 2). Au global, la perte d’habitude (38%) est d’ailleurs le premier motif invoqué pour expliquer la désertion des salles devant le prix du billet (36%) et le port du masque (33%).
Tous les cinémas ne sont pas touchés de la même façon : les indépendants et les établissements d’art et d’essai subissent une décrue moins forte que les circuits. Ce qui amène à poser la question de l’attrait des films à l’affiche (23% pointant un manque d’intérêt), en l’absence de grands blockbusters.
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