Portrait

Instigateur des expositions-événements, de « Ramsès » à « Toutânkhamon » et « Pompéi », l’Américain John Norman a révolutionné leur mise en scène via la vidéo et la VR.

C’est l’histoire d’un rockeur devenu la star des expositions. De « Machu Picchu » à « Toutânkhamon », de « Pompéi » à « Lady Di », les rétrospectives que proposent John Norman et son entreprise, World Heritage Exhibitions font se ruer les amoureux de l’art et les curieux. Son exposition sur Toutânkhamon, en 2019, avait attiré 1,4 million de spectateurs sous la Grande Halle de La Villette, détrônant le record absolu détenu jusque-là par l’expo de 1967 « Toutânkhamon et son temps », qui avait séduit 1,24 million de curieux à Paris. Pour admirer le sarcophage de Ramsès II, exceptionnellement prêté par l’Égypte à la France pour « Ramsès, L'Or des Pharaons », il espère 700 000 visiteurs d’ici au 6 septembre dans ces 18 000 m2. La veille de l’ouverture, 145 000 billets avaient déjà été prévendus. Les visiteurs viennent de toute l’Europe car Paris est la seule ville du Vieux Continent où l’exposition fait sa troisième escale dans un périple qui en compte dix.

Tourneur de shows

L’homme à l’origine de cet événement pharaonique est aussi posé que discret lorsque nous le rencontrons le jour de l’inauguration devant un thé, dans l’espace VIP de la Villette. Lors des discours de présentation des commissaires de l’expo devant la presse, il est celui qui a pris la parole le moins longtemps. « J’ai tendance à écouter et à n’intervenir que lorsque je peux apporter quelque chose à la conversation », nous confie-t-il. Silhouette fuselée, crâne lustré, on peine à l’imaginer en guitariste d’un groupe de pop rock. Et pourtant, il cherche dans son smartphone et nous montre une photo de lui dans les années 1980, cheveux roux bouclés portés jusqu’à la taille.

Seul le regard bleu perçant demeure. Et cet air imperturbable. Le t-shirt a fait place à un impeccable costume gris acier mais la passion pour les shows reste constante. Ce guitariste s’est produit avec son groupe Champion pendant douze ans aux quatre coins des États-Unis. Son destin bascule quand il rencontre celui qu’il appelle son mentor, Lee Marshall. Il l’initie à son travail de tourneur de shows. John Norman devient le tourneur des shows du magicien David Copperfield et de Janet Jackson. Le second tournant de sa vie a lieu en 1998. II visite l’exposition consacrée au Titanic. « J’ai trouvé fascinant d’être devant une épave et des objets du quotidien qui avaient coulé il y a 70 ans », reconnaît John Norman. Il décide d’appliquer ce qu’il a appris dans le show-business au monde de l’art. Ainsi naissent ses expositions à grand spectacle.

Ses détracteurs lui reprochent de faire une concurrence déloyale aux musées en alignant les chèques : le montant de l’assurance pour l’exposition de Ramsès est d’un milliard de dollars et le budget marketing pour Paris s’élève à un million de dollars. Il rétrocède une partie de ses bénéfices à ceux qui l’exposent et à ceux qui lui prêtent leurs œuvres. John Norman a négocié avec le ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités la sortie d’Égypte de la moitié des 180 œuvres exposées en échange d’honoraires qui peuvent être réinvestis dans la conservation et la restauration du patrimoine, comme l’explique Zahi Hawass, égyptologue et ancien ministre du Tourisme et des Antiquités d'Égypte. Lorsqu’il souhaite organiser une exposition, même le Louvre rétrograde en 2e division, en sollicitant des prêts gracieux.

Bande-annonce

Mais l’apport de World Heritage Exhibitions pour hypnotiser le public est incontesté. C’est l’immersion proposée par John Norman qui a révolutionné la muséologie. « J’utilise le multimédia et la vidéo pour raconter des histoires, explique John Norman. Et notamment chacune de nos expositions commence par un film de 3 à 4 minutes qui permet au visiteur de se mettre au parfum et de comprendre ce qu’il va découvrir au fil de l’exposition. C’est comme une bande-annonce qui donne envie de voir l’expo et d’y chercher certaines pièces. » Le parcours est ponctué d’animations sonores et virtuelles avec des reconstitutions géopolitiques par exemple.

L’exposition est plongée dans la pénombre pour mettre en lumière les pièces. Certaines œuvres sont exposées dans des vitrines de verre faites sur mesure pour que le public puisse les observer à 360°. Lorsqu’elles sont très petites, leur image est projetée à proximité en format XXL pour permettre de scruter les détails invisibles à l’œil nu, comme pour ces somptueux colliers en lapis-lazuli et turquoise. Le climax est le film en réalité virtuelle proposé à l’issue de la visite. Pour visiter virtuellement le temple d’Abou Simbel et le tombeau de la reine Nefertari, il en coûte 15 euros en plus des 24 euros de droit d’entrée. De quoi rentrer dans ses frais pour celui qui, depuis son domicile et ses bureaux de Fort Myers en Floride, a créé les shows culturels mondiaux et ne jure que par ses petits chiens affichés sur l’écran d’accueil de son smartphone.

Parcours

1960. Naissance à Cleveland en Ohio.

1978 à 1990. Auteur, compositeur et producteur de son groupe de rock Champion.

1990-1998. Travaille avec Lee Marshall et devient le tourneur des shows de David Copperfield et de Janet Jackson.

2013. Exposition « Diana : A Celebration », avec l’aide du frère de la princesse.

2019. Exposition « Toutânkhamon », à La Villette.

2022. Exposition « Machu Picchu et les trésors du Pérou », à la Cité de l’Architecture à Paris

Depuis le 7 avril 2023. Exposition « Ramsès, L'Or des Pharaons » à la Grande Halle de La Villette

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