Pour convaincre les autorités européennes de la concurrence de le laisser fusionner Vivendi avec Lagardère, le groupe du milliardaire Vincent Bolloré prévoit de se séparer du magazine Gala, sur une ligne éditoriale trop proche de Paris Match chez Lagardère.

Après Editis, Vivendi lâche Gala. Cette vente annoncée de l'hebdomadaire people est un nouveau rebondissement dans la fusion en cours entre Vivendi et Lagardère, qui tient autant du long feuilleton que de l'effet domino. Cette fois, l'enjeu pour Vivendi (qui détient Gala via le groupe Prisma Média) est de pouvoir conserver Paris Match, propriété de Lagardère, a appris l'AFP mardi 11 avril de sources internes, confirmant une information du média L'Informé. 

« Vivendi se voit contraint de proposer la cession de Gala », que la Commission européenne « considère comme un concurrent direct de Paris Match sur le marché de la presse people », est-il écrit dans un courriel envoyé aux salariés de Prisma Média par sa présidente, Claire Léost. Sollicité par l'AFP, Vivendi n'a pas souhaité faire de commentaire.

« Les équipes sont abasourdies, c'est un immense gâchis selon nous », a déclaré à l'AFP Emmanuel Vire, élu du syndicat SNJ-CGT à Prisma Média. Selon le syndicaliste, l'annonce a été faite lors d'un CSE (comité social et économique, l'instance de représentation du personnel), extraordinaire qui s'est tenu à 10 heures. Les équipes de Gala ont été informées au même moment.

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Vivendi, le groupe du milliardaire Vincent Bolloré, est monté en 2022 à 57% du capital de Lagardère après une rude bataille actionnariale, mais la finalisation de cette prise de contrôle est encore soumise au feu vert de la Commission européenne. Celle-ci rendra sa décision le 14 juin au plus tard.

Pour l'heure, ce projet achoppe principalement sur deux points en raison des règles européennes de la concurrence : le secteur de l'édition d'une part et celui de la presse people de l'autre. Sur le premier point, Vivendi s'est résolu mi-mars à céder 100% du groupe d'édition Editis pour pouvoir absorber le rival de ce dernier, Hachette, filiale de Lagardère. L'acheteur désigné est le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.

Concernant la presse people, l'obstacle porte sur le fait que Vivendi détient déjà Gala et Voici, via Prisma Média. Si sa prise de contrôle de Lagardère est validée, Paris Match tombera également dans son escarcelle, une concentration que les autorités européennes voient d'un mauvais œil. Ces derniers mois, le camp Bolloré a tenté de faire valoir que Paris Match était davantage un magazine d'actualité que people et qu'il n'était donc pas un concurrent direct des deux autres titres.

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« Malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à convaincre la Commission européenne », déplore Claire Léost dans son courriel. Selon elle, le processus de vente de Gala « s'enclenchera une fois que la Commission européenne aura approuvé la prise de contrôle de Lagardère par Vivendi », et « la cession devrait être finalisée d'ici la fin de l'année ». « Nous veillerons à choisir un acteur des médias qui a un projet ambitieux pour Gala et lui permettra de poursuivre son développement », assure la dirigeante.

Mais l'identité du futur acheteur suscite des inquiétudes. « Les représentants du personnel veulent à tout prix éviter Reworld Media », a déclaré Emmanuel Vire à l'AFP. Ce groupe s'est fait connaître ces dernières années par ses nombreuses acquisitions de magazines (Grazia, Science et Vie, Top Santé, Biba, Marie France etc.) autant que par les critiques que cela a suscité.

Reworld a été accusé de multiplier les publicités dans les contenus et de mettre en œuvre des méthodes managériales dures afin de rentabiliser ses acquisitions au plus vite. Ainsi, des journalistes de Science et Vie, en désaccord avec leur nouveau propriétaire, sont partis créer le concurrent Epsiloon en 2021.

En 2022, les ventes de Gala ont reculé de 4,72% sur un an, atteignant 127 933 exemplaires par numéro, selon l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM).

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