Journalisme
Dans son ouvrage «Les réseaux sociaux sont-ils dangereux ?», paru en octobre, Antoine Bayet, directeur éditorial de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), revient avec pédagogie sur la crise que traversent aujourd'hui les réseaux sociaux.

Quels messages voulez-vous transmettre au lecteur à travers votre livre «Les réseaux sociaux sont-ils dangereux» ?

Les réseaux sociaux sont devenus des hydres, il faut absolument les documenter et les comprendre. Il est urgent de mieux cerner comment fonctionnent ces plateformes. J’espère et je souhaite que le lecteur ne sortera pas de ce livre en se disant «il n’y a plus rien à faire». Il n’est pas trop tard pour réguler et contrôler les réseaux sociaux. Il faut savoir que ces plateformes ont un peu plus de 20 ans. Pour réguler les autres médias (télévision, radio), il a fallu beaucoup plus de temps. Même si les effets laissent penser le contraire, la régulation peut fonctionner. Le pouvoir politique peut encore faire quelque chose face aux réseaux sociaux.

La panne géante qu'a connu Facebook ainsi que les déclarations tenues par Frances Haugen sont-elles des alertes qui viennent confirmer l’interrogation posée dans votre ouvrage ?

Je trouve cette panne presque salutaire car elle pose la question à chaque citoyen. Privé de quelque chose, on se rend compte de la place que cela a dans notre vie. Je la trouve très intéressante. Mais pour moi, les propos de Frances Haugen sont plus importants. Raconter ce qu’il se passe à l’intérieur de Facebook, le documenter et en discuter au Parlement européen est quelque chose de remarquable. Il est réjouissant que la régulation devienne un sujet dans le débat public. Ce n'est pas un mot très sexy certes, mais c’est celui qui revient le plus. La régulation des réseaux sociaux est tout sauf impossible.

Dans la troisième partie de votre livre, vous donnez dix idées pour rendre les réseaux sociaux plus vivables. Est-ce que ces propositions vous semblent réalisables et réalistes ?

J’aimerais qu’elles puissent être débattues. L’anonymat est un faux débat et pourtant, il revient encore et encore. Comme le déclarait Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, nous ne sommes pas anonymes sur les réseaux. Ça ne sert donc à rien de demander la levée de l’anonymat. Pour moi, c’est dénué d’effectivité. A la place, on pourrait débattre des questions d’éducation. Il serait important d’envisager l’enseignement des réseaux sociaux dans le socle de base des compétences d’un élève français. On pourrait aussi débattre du droit à l’oubli et des méthodes que l’on peut mettre en place. Il me semble que c'est plus stimulant que de relancer encore le débat de l’anonymat. Ce n’est pas à moi de décider, mais si on se posait ces questions, on aurait des interactions parfois plus productives. Celles-ci pourraient aboutir à des modes de régulation effectifs par la suite.

Est-ce que votre perception des réseaux sociaux a évolué au fur et à mesure de la rédaction de votre livre ?

Lorsque je me suis lancé dans la rédaction, j’étais bloqué en 2021, avec le tableau très noir que peuvent faire paraître les réseaux sociaux. Mais afin de retracer l’histoire de ces plateformes, je me suis replongé dans l’enthousiasme qu’a pu provoquer la naissance des réseaux sociaux, par exemple en 2012, avec l’introduction de Facebook en Bourse. A ce moment-là, Mark Zuckerberg expliquait dans une lettre la mission du réseau social sur l’humanité : rendre le monde plus ouvert et plus connecté. En faisant ce retour en arrière, je me suis dit «ah oui, quand même, c’était écrit». Il y avait un optimisme très fort et c’est saisissant. J’ai trouvé cela amusant de replonger dans l’engouement initial.

Votre ouvrage a pour titre «Les réseaux sociaux sont-ils dangereux ?». Avez-vous aujourd’hui une réponse à donner à cette interrogation ?

Les réseaux sociaux en 2021 présentent des dangers, c’est évident. C'est principalement lié aux questions que cela pose sur l’économie de l’attention ou la diffusion de fake news. Aujourd’hui, ces plateformes sont dangereuses. Cependant, est-ce qu’elles le sont toujours ? Non. Les réseaux sociaux ont permis des avancées démocratiques et sociales. Aujourd'hui, ils sont devenus des réseaux asociaux mais ce n’est pas inéluctable. Je suis un pessimiste optimiste.

L'ouvrage «Les réseaux sociaux sont-ils dangereux ?», écrit par Antoine Bayet, est paru aux éditions First.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.

Lire aussi :