Avec 220 000 abonnés en 2020, Mediapart confirme son impressionnante réussite. «C’est un succès qui nous surprend nous-même, porté par une croissance plus rapide que ce que nous aurions pu penser dans nos rêves les plus fous», confie le cofondateur Edwy Plenel. Le journal a atteint son point d’équilibre dès sa troisième année. Mais pourquoi le public, réputé hostile à l’information payante en ligne, souscrit-il à ce modèle ? «Je ne crois pas que les lecteurs soient récalcitrants à payer si l’info est utile. Tel un laboratoire de recherche, Mediapart l’a prouvé en ouvrant une voie pour les médias traditionnels, comme la presse, qui s‘y mettent désormais.»
Le site compte 118 salariés, dont 27 nouveaux venus en 2020, auxquels s’ajoutent 175 pigistes. Les journalistes représentent la moitié de l'équipe, l’autre moitié va à l'informatique, au marketing (dix personnes) ou aux relations avec les abonnés (dix aussi). «La particularité de Mediapart est de ne pas sous-traiter les métiers nécessaires à notre journal numérique. Cela permet d’effectuer ces tâches en interne, en respectant notre culture et nos convictions, dont celle d’être au service du lecteur», détaille le cocréateur. Le site compte 5 millions de visiteurs uniques par mois. Les recettes liées aux abonnés représentent 98% du chiffre d’affaires, en hausse de 22% à plus de 20 millions d’euros cette année. 93 000 abonnés sont de nouveaux lecteurs venus en 2020, souligne Edwy Plenel. Ils ont permis une progression nette de 48 270 abonnés. «Pour garder durablement un abonné, il nous faut en recruter trois, ce qui veut dire que nous ne sommes pas si loin d’avoir vu passer un million d’abonnés», confie-t-il.
Abonnés ambassadeurs
Que viennent-ils chercher ? Des enquêtes et des révélations bien sûr. «Mais il n’y a pas de recette. Le succès d’une enquête repose sur sa rencontre avec un moment, une situation.» Celle dédiée aux mensonges d’État sur les masques, publiée en mars 2020, demeure le succès de l’année, comme avait été celle sur François de Rugy «alors que ce n’était pas celle qui nous avait le plus mobilisés». Mediapart, qui affiche «seuls nos lecteurs peuvent nous acheter», veut «apporter des éléments au débat public et rester cohérent dans l’indépendance de ses infos», souligne Edwy Plenel. «On ne cherche pas comme ailleurs le buzz artificiel mais le long trend et la fidélité de nos lecteurs.»
L'abonné est aussi l’ambassadeur du titre: il peut partager les articles qui lui plaisent et son abonnement. Le prix n’a augmenté qu’une fois, passant de 9 à 11 euros, avec une version à 5 euros pour les petits revenus. «Aucune augmentation n’est prévue car nous sommes rentables et profitables. Il n‘est pas question de faire des bénéfices sur le dos du lecteur», s’enorgueillit l’ancien directeur du Monde. Le journal proposera à l’automne un nouveau site après avoir lancé une nouvelle appli récemment. Parmi les thématiques développées : l’écologie, l’international et la défense, la géostratégie, le terrorisme, avant la présidentielle. Et les violences sexuelles ainsi que le sexisme, via le recrutement de Lénaïg Bredoux, première «gender editor» de la presse.