Le Conseil d'Etat a rejeté un recours de Canal+ contre une ordonnance qui donne au gouvernement la possibilité de réviser dès maintenant la chronologie des médias, ce système qui régit la sortie successive des films en salles, en DVD, à la télévision et en streaming. La chronologie des médias avait déjà été réformée dans un accord conclu fin 2018, après des années de négociations tortueuses. Cet accord est en vigueur jusqu'en février 2022.
Mais le gouvernement a voulu pousser les organisations du cinéma, de l'audiovisuel et les représentants des plateformes de streaming à le réviser dès cette année. Il souhaiterait notamment qu'un nouveau régime entre en vigueur en juillet, en même temps que les obligations de financement d'oeuvres françaises et européennes, qui doivent s'appliquer aux plateformes de streaming à partir de cette date, comme le prévoit un décret en cours d'adoption.
En vertu d'une ordonnance adoptée en décembre, le gouvernement avait donc donné - via un décret publié en janvier - jusqu'au 31 mars aux professionnels pour négocier un nouvel accord, sans quoi il se donnait la possibilité de trancher lui-même la question, en fixant de nouvelles règles de diffusion des films.
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Canal+ avait saisi le Conseil d'Etat en s'insurgeant contre ce délai de négociation, estimant que conclure plus vite que prévu un nouvel accord, ou laisser l'Etat réformer le système de manière anticipée, lui portait un grave préjudice. Le groupe de télévision payante redoute qu'une révision ne lui fasse perdre sa position favorable dans la chronologie actuelle, et que les plateformes de streaming comme Netflix puissent diffuser des films plus rapidement après leur sortie en salle, alors qu'elles doivent attendre 36 mois actuellement.
Cependant, le Conseil d'Etat, dans un jugement rendu le 31 mars, a rejeté la requête du groupe, estimant notamment que le caractère d'urgence du préjudice économique invoqué par Canal+ n'était pas établi. En outre, si le gouvernement a confirmé qu'il envisageait de raccourcir le délai de diffusion des films sur les plateformes, il n'est pas obligé de réformer dès maintenant les règles et il pourrait laisser encore du temps aux organisations professionnelles pour conclure elles-mêmes un nouvel accord. Enfin, il a rappelé que cet assouplissement envisagé en faveur des plateformes était la contrepartie à d'autres mesures projetées, qui doivent conduire à alléger la règlementation pesant sur les chaînes de télévision.