À la question « C’est quoi, un micro-influenceur ? », il y a autant de réponses que de répondants. Certains le définissent comme un créateur de contenu sur les réseaux sociaux qui possèdent entre 1 000 et 100 000 abonnés, d’autres le situent plus aux alentours de 500 000. Pour d’autres encore, un micro-influenceur désigne une personne experte, authentique, qui partage sa passion de niche à une communauté sur les réseaux sociaux, qu’importe le nombre de ses abonnés. Cet exemple illustre le manque d’uniformisation du marché de l’influence marketing, encore émergent, qui souffre de l'absence totale de standards et de langage commun.
Un besoin de clarification à laquelle a (enfin) décidé de s’attaquer l’Interactive Advertising Bureau (IAB), la grande instance professionnelle du marché de la publicité digitale, et dont la raison d’être est précisément de développer des normes, mener des recherches et fournir un soutien juridique aux acteurs de l'industrie qu'elle représente. « Nous avons constaté que les acteurs de l’écosystème de l‘influence digitale n'emploient ni le même vocabulaire, ni les mêmes indicateurs de succès pour une campagne, ce qui rend les choses peu lisibles aux yeux des marketeurs. Mais comme après toute période d'adolescence, cet univers doit désormais s'organiser et se structurer pour son bon développement, au même titre que l’organisation s’est attelée à réguler les marchés du display ou de la vidéo par exemple », martèle Véronique Pican, vice-présidente de l’IAB.
Éduquer le marché
Ainsi, en juillet dernier, l'IAB France lançait un groupe de travail consacré à l’influence marketing, piloté par Bérengère Weber, head of global brand & communication de l'agence Kolsquare. Objectif : établir une cartographie claire des acteurs de l’influence, définir des KPIs précis, des indicateurs de mesure, éduquer le marché et normer ses pratiques. Mais aussi : porter le sujet auprès de l’IAB Europe afin de favoriser l’adoption des bonnes pratiques à l’échelle européenne. En effet, l’IAB France joue un rôle de pilote au niveau mondial sur la question, sur lequel se baseront toutes les autres initiatives (lire interview). « L’IAB est une organisation référente. Nous sommes très favorables à cette initiative, indique Sébastien Bouillet, qui dirige le pôle commercial de l’agence Influence4You. En tant qu’agence présente sur ce marché depuis 2012, nous avons nous-mêmes créé des règles, des chartes, et avons contribué à faire grandir ce domaine. Si des standards voient le jour, nous les appliquerons ».
Comme d’autres leviers de l’univers du digital, le marketing d'influence intervient à la fois sur des problématiques branding (visibilité, engagement des communautés...) mais aussi à la fin du parcours de consommation en lien direct avec la recommandation et l'achat (donc à la performance). C’est pourquoi il est désormais nécessaire de partager à la fois les bonnes pratiques, mais aussi d’identifier et formaliser des KPis entre l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur et enfin de les harmoniser. Points qui intéressent particulièrement les marques. « Le marché n’est pas du tout structuré, déplore Charlotte Bouvier, directrice marketing et digital de la marque Undiz, experte en influence marketing. Bien sûr, des progrès ont été faits ces dernières années, mais surtout au niveau de la transparence envers les consommateurs. Mais en tant que marque, on ne sait pas toujours ce qu’on achète. Les données de performance sont encore floues et nous avons besoin de plus de données budgétaires. »
A ssocier plus de rationnel à l’influence
Mais cet univers de l’influence digitale, que nombreux acteurs comparent au « far west », est-il vraiment régulable ? « C’est un secteur particulier qui ne peut pas être comparé à d’autres, indique Fabien Le Roux, planneur stratégique BETC. Quand on parle d’influenceurs, on parle d’humains qui engagent leurs personnalités dans leurs contenus. Ce ne sont pas des médias. En fait, les influenceurs sont des marques. Les marques doivent donc les solliciter dans une approche de co-branding. » Même son de cloche chez Webedia, acteur majeur en France : « On doit encore progresser sur notre capacité à associer plus de rationnel à l’influence marketing et à mesurer l’impact réel sur l’attribution des marques, la considération et l’intention d’achat, explique Michèle Benzeno, directrice générale en charge du développement du groupe. Les influenceurs historiques deviennent des producteurs animateurs, ils sont auteurs, scénaristes, vidéastes, parfois réalisateurs et ont la volonté de développer des nouveaux formats via leurs propres chaînes mais aussi via des diffuseurs tiers, des plateformes de streaming et des marques partenaires. Les opportunités pour les marques se multiplient à condition de pouvoir identifier les bons profils associés aux objectifs de la marque et s’engager sur les KPIS définis en amont quelque que soit la plateforme.»
« Le rôle de l’IAB est de standardiser la pratique de l’influence marketing », Bérengère Weber, pilote de la task force influence marketing à l’IAB.
Quel premier bilan dressez-vous de la création de la task-force influence marketing au sein de l’IAB France ?
Le groupe de travail compte déjà 15 membres actifs issus de secteurs d’activités différents : plateformes, médias, agences, partenaires technologiques, etc. Nous privilégions un maximum de représentativité dans le choix des acteurs qui rejoignent la task Force. Nos premières actions ont été d'identifier et de lister tous les besoins du marché : plus de transparence, clarification, uniformisation des outils de mesures d'efficacité, etc. Nous avons ensuite élaboré un questionnaire très complet que nous allons relayer auprès des marques françaises pour connaître leurs attentes. À paraître dans les prochaines semaines : un glossaire le plus complet possible pour que le marché parle le même langage.
Quels sont vos objectifs principaux ?
Le chantier principal sera l’uniformisation des mesures d’efficacité pour l’élaboration d’une norme commune. L’influence marketing est un marché qui évolue à une vitesse folle. Tous les annonceurs aujourd’hui accordent un budget à cette forme de communication. Pour l’IAB France, qui norme les pratiques de la publicité en ligne, il était primordial d’aborder le sujet de l’influence. Et que toutes les parties de ce marché se réunissent pour penser ensemble des standards, exactement de la même manière que cela s’est fait sur le programmatique, la vidéo, et les autres nouveaux leviers. Oui, c'est un secteur qui peut avoir mauvaise presse, avec ses scandales, des fraudes, etc. Mais nous avons envie de le défendre et de le crédibiliser.
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Il y en a beaucoup ! Première d’entre elles : la définition même d’influence marketing. Il nous a déjà fallu des semaines pour accorder nos violons. Médias, agences, régie, ad tech, plateformes… Chacun a ses propres références, son propre langage. Les freins que nous rencontrons sont liés au fait que l’influence est pluridisciplinaire. Ainsi, une marque qui travaille à la fois avec une plateforme technologique, un multi-channel network et une agence, se trouvera confrontée à différentes méthodologies, différentes terminologies et différents indicateurs. Par exemple, le terme de micro-influence qui désigne pour certains des influenceurs de 1 000 à 50 000 abonnés et pour d’autres de 10 000 à 100 000… C’est une véritable problématique à laquelle nous nous attelons.
Des synergies ont-elles été opérées entre les IAB du reste du monde ?
Très peu de groupes de travail dédiés à l’influence ont réellement vu le jour au sein des IAB nationaux en Europe ou à l’International. Mais nous nous sommes rapprochés de l’IAB Afrique du Sud qui mène un projet similaire au nôtre. Par ailleurs, nous avons œuvré auprès de l’IAB Europe pour qu’un comité européen soit lancé autour de l’influence. Ce groupe s’appuiera notamment sur notre travail pour s’accorder sur une approche plus européenne. A noter qu’en France, l'ARPP a déjà permis de débroussailler le sujet et sa complexité grâce à son baromètre de l'influence et à ses bonnes pratiques. Nous allons d’ailleurs collaborer prochainement.