Mutualisation
La future holding de l’audiovisuel public, qui sera opérationnelle dès 2022, risque de modifier en profondeur l’organisation des groupes concernés. Prospective.

La future holding qui regroupera France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA, a déjà accouché d’une mutualisation : un communiqué commun du Syndicat national journalistes. Intitulé « ORTF 2.0 : pour quoi faire ? », il pointe les craintes d’une «nouvelle diminution des effectifs du service public» (17 000 salariés) et que France Médias devienne «un outil au service des regroupements, des fusions et des économies d’échelle». Dans l’esprit du ministre de la Culture Franck Riester, il est vrai, le rêve d’une «BBC à la française» reste bien vivace. Il l’a dit dès 2015 et l’a confirmé le 3 septembre. Pourtant, il ne s’agit pour l’heure que de créer une structure légère… Liste des incertitudes du volet «audiovisuel public» de la future loi.

1 /Le périmètre commun

À France Télévisions, la hantise était de voir s’édifier une superstructure lourde, avec 70 personnes, engendrant des frais aux dépens de l’entreprise. Ce risque semble écarté avec le choix d’une «société légère en charge de la stratégie, de la cohérence des projets et des organisations», comme l’a dit le ministre le 25 septembre sur Franceinfo. Il n’empêche qu’il ne s’agit pas seulement d’aboutir à des synergies sur l’information, comme avec la chaîne Franceinfo ou les matinales communes entre France 3 et France Bleu. Le but est «d’optimiser les fonctions supports». Dès 2022, pourraient être concernées les régies publicitaires, les directions des achats ou la formation. De plus, si Arte et TV5 ne sont pas inclus dans la holding, elles seront des «filiales de second plan» dont on attend des synergies.

2/La gouvernance

Afin de ne pas risquer le conflit d’intérêts, le CSA ne nommera plus des présidents qu’il est susceptible d’évaluer. Le gouvernement lui retire le pouvoir de nomination des patrons de l'audiovisuel public, afin qu'il - ou plutôt l'Arcom, l'instance qui lui succédera en fusionnant avec l'Hadopi - ne soit pas « juge et partie ». Le président de France Médias – et ses directeurs généraux en charge des sociétés filles – sera nommé par un conseil d’administration – qui comptera trois administrateurs sur douze désignés par le gouvernement mais aussi deux membres choisis par la majorité parlementaire et deux personnalités indépendantes nommées sur proposition du gouvernement. Qui pour assurer cette présidence exécutive ? «Ce ne peut être l’une des patronnes actuelles de groupe, sauf à considérer que l’une d'elles avale les deux autres entreprises», glisse un proche d’une présidente.

3/L’éditorial et les finances

Officiellement, les contenus et la responsabilité éditoriale restent entre les mains des antennes et des groupes. Toutefois, Franck Riester a annoncé une « offre internet qui corresponde bien aux différents usages » et qui soit commune. À cela s’ajoute l’inconnue du financement post-redevance, une fois supprimée la taxe d’habitation en 2022. Gérald Darmanin, le ministre des comptes publics, qui a révélé une baisse d’un euro de la redevance, a rappelé que Bercy gardait la main. D’où la question syndicale : une fois validée la création de la holding, ne va-t-on pas aller vers une nouvelle trajectoire financière où les économies seront exigées par la suppression de la redevance, malgré l’assurance donnée par Riester d’un mécanisme de substitution ? Et comment s'assurer que les arbitrages financiers ne se fassent pas au détriment d'une unité de programmes ou d'une rédaction d'un média ?  La fusion ne paraîtra-t-elle pas alors inévitable ? Après tout, France Télévisions, début 2000, n’était qu’une holding.

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