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Élus et régulateurs américains de la concurrence fourbissent leurs armes contre les géants technologiques accusés d'être trop puissants voire monopolistiques. L'annonce lundi 3 mai de plusieurs vastes enquêtes les a fait lourdement chuter en Bourse.

À la clôture de Wall Street, la maison mère de Google, Alphabet, a perdu sur la séance 6,12% et Facebook 7,51%. Le géant du commerce en ligne Amazon a reculé de 4,64% et Apple de 1,01%...

Il faut dire que la commission judiciaire de la Chambre des représentants a annoncé l'ouverture d'une enquête sur «la concurrence sur le marché numérique», affirmant qu'un «petit nombre de plateformes dominantes et non régulées ont un pouvoir extraordinaire dans le commerce, la communication et l'information en ligne».

Selon David Cicilline, un membre de cette commission, «la croissance d'un pouvoir monopolistique dans toute notre économie est l'un des défis économiques et politiques les plus pressants actuellement». Un peu plus tôt, le Wall Street Journal affirmait que la Federal Trade Commission (FTC) américaine, qui mène depuis un an des investigations sur les pratiques de Facebook en matière de respect de la vie privée et des données des utilisateurs, comptait les élargir aux questions de concurrence.

Selon le WSJ, la FTC et le ministère de la Justice - qui se partagent le rôle d'autorité de la concurrence aux Etats-Unis - se sont répartis la tâche: Facebook pour la FTC, Google pour le ministère qui s'apprête à ouvrir aussi une enquête.

Le ministère songe également à se pencher sur Apple, et la FTC sur Amazon, d'après d'autres informations de presse. La gestion par Apple de sa boutique d'applications App Store pourrait en particulier intéresser le régulateur.

«Google sait à peu près tout ce qu'il y a à savoir sur ses utilisateurs», a commenté Jack Gold, analyste pour le consultant J. Gold Associates, au sujet du groupe aux 6,7 milliards de dollars de bénéfices au premier trimestre.

«Une tendance anti-monopolistique»

Ces enquêtes confirment que les ennuis se précisent pour les colosses de la Silicon Valley et elles pourraient donner le top départ à «une tendance anti-monopolistique», a estimé Ken Berman, de la société de courtage Gorilla Trades.

Ce qui ne plaît pas du tout au groupe de réflexion «libertarien» Competititve Entrerprise Institute (pour un gouvernement limité et la libre entreprise), qui pense que ces actions antitrust «feront du mal aux consommateurs».

Le plus gros risque pour les groupes visés dans ce genre de dossier est que les autorités exigent, à l'amiable ou devant les tribunaux, des ventes d'activités pour les faire maigrir. Elles peuvent aussi infliger de fortes amendes.

Les groupes technologiques rejettent régulièrement toute idée de monopole, affirmant notamment que les internautes peuvent utiliser, par exemple, un autre moteur de recherche ou réseau social. Mais désormais, «la question est de savoir si quelqu'un peut être capable de rivaliser» avec Google, affirme Jack Gold.

Le groupe détient une large part du marché de la publicité en ligne et son système d'exploitation mobile Android équipe la majorité des smartphones dans le monde. Selon le cabinet eMarketer, Google va s'arroger cette année 37,2% des revenus liés à la publicité numérique, et Facebook 22,1%.

Concernant Facebook, la FTC enquête depuis le scandale des fuites de données d'utilisateurs vers la firme britannique Cambridge Analytica en mars 2018. Le régulateur devrait infliger au groupe de Mark Zuckerberg une amende record. Facebook a déjà indiqué s'attendre à une sanction de 3 à 5 milliards de dollars.

«Trop de pouvoirs»

Le fait que les géants technologiques soient à ce point dans le collimateur des autorités américaines n'est pas vraiment une surprise, tant les appels au démantèlement et les critiques tous azimuts contre eux se multiplient ces derniers mois des deux côtés de l'échiquier politique, alors que la course à la Maison Blanche pour 2020 est déjà lancée.

La candidate à la primaire démocrate Elizabeth Warren a proposé en mars de disloquer les géants de la tech. Ils ont acquis, selon elle, «trop de pouvoirs». Pour Chris Hughes, cofondateur de Facebook, il faut s'attaquer à la position monopolistique du groupe qui revendique 2,7 milliards d'utilisateurs mensuels sur l'ensemble de ses plateformes.

De l'autre côté de l'Atlantique, la Commission européenne a infligé en mars - pour la troisième fois en moins de deux ans - une forte amende à Google, l'accusant de nouveau de pratiques anticoncurrentielles.

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