Il a commencé par la location de DVD par courrier postal, pour aller jusqu'à coproduire une série politique House of Cards, avec David Fincher (réalisateur de Seven et Fight Club) et Kevin Spacey. Damant ainsi le pion à la chaîne câblée HBO, il y a quelques années encore dénicheuse de séries d'avant-garde, comme The Sopranos et Six Feet Under.
C'est dire le chemin accompli par la start-up créée en 1997 par Marc Randolph et Reed Hastings. Dès le début, ils ont la bonne idée: la location de DVD envoyés par courrier postal. Puis embrayent sur la location de DVD par Internet, le streaming et la vidéo à la demande (VOD). À petits pas: «Netflix a commencé par proposer la VOD en service complémentaire à l'envoi de DVD, dans son package mensuel», précise Sophie Girieud, consultante senior nouveaux services audiovisuels à l'Idate.
Autre bonne idée, socle du modèle Netflix: «Le système de recommandation de films, essentiel à l'époque où la société n'avait les moyens d'acquérir que des DVD de films indépendants, peu chers et méconnus. HBO et Showtime étaient alors très protectionnistes sur les droits des films et séries qu'ils avaient acquis», raconte David Riquet, directeur des contenus de Dailymotion aux États-Unis, ex-responsable des acquisitions chez Netflix.
Puis Netflix se lance dans un nouveau créneau à succès: la vidéo par abonnement (SVOD), qui permet de louer en ligne un certain nombre de vidéos (séries, films, etc.) moyennant une somme mensuelle fixe. Aujourd'hui, il affiche 2 milliards de dollars de revenus, 12 milliards de dollars de capitalisation et 20 millions d'abonnés sur le marché américain.
Bataille des contenus
Déjà, il y a quelques semaines, Netflix avait avancé ses pions en acquérant les droits de Star Trek, Twin Peaks ou La Quatrième Dimension. Des séries anciennes, certes, mais cultes. Et Netflix va encore plus loin en s'offrant, début avril, les droits de diffusion de Mad Men, qui a cumulé les Emmy Awards. La société a franchi un cap supplémentaire en se lançant dans la création originale. Elle aurait mis plus de 100 millions de dollars sur la table pour acquérir House of Cards, thriller politique de vingt-six épisodes annoncé pour fin 2012, qu'elle diffusera en exclusivité sur son site.
Clairement, le Net veut s'inviter dans la cour des grands. Car Netflix n'est pas le seul à titiller les géants de l'audiovisuel: Hulu propose une offre similaire. You Tube travaillerait à la refonte de son site en une vingtaine de chaînes premium. Enfin, Amazon vient de lancer Amazon Stream, une offre de films en streaming illimitée à 79 dollars par an.
Netflix nourrirait-il des ambitions européennes? No comment de son porte-parole, Steve Swasey. Le site a tenté de se lancer au Royaume-Uni, «en y acquérant un acteur local de la SVOD, Love Film», précise David Ripert. C'est finalement Amazon qui a emporté le morceau.
Rien ne dit que Netflix pourrait débarquer en France. Mais l'hypothèse fait grand bruit: grâce à la télévision connectée, la distribution des contenus issus du Web devient possible. Certes, l'Hexagone est protégé par des barrières juridiques sur la chronologie des médias – les films ne peuvent être exploités qu'au bout de trente-six mois en SVOD. Pour les séries, «les chaînes de télévision en gardent les droits le plus longtemps possible», précise Sophie Girieud.
Reste que l'offre de SVOD est naissante en France: Pass M6 (pour des séries), TF1 Vision, Vodeo, Free SHV, etc. Dailymotion «regarde» ce modèle de la VOD locative, dixit son directeur général France Martin Rogard, «tout comme TF1», admet Tristan Du Laz, directeur de TF1 Vision. Netflix? «Tous les acteurs français doivent se moderniser, se regrouper pour faire face à cette menace. Des discussions sont en cours, mais il faut faire vite», prévient Éric Garandeau, président du CNC.
