La place de marché d’origine américaine Faire, qui met en relation les marques et les commerces indépendants, fait ses premiers pas en France depuis quelques mois. Au-delà du bouche-à-oreille, elle mise notamment sur l’événementiel pour se faire connaître.
C’est la dernière licorne française en date : Ankorstore, dont la levée de fonds de 250 millions d’euros et le nouveau statut ont été rendus publics le 10 janvier. Cette place de marché B to B, née il y a moins de trois ans, connecte les marques et les commerçants indépendants, pour permettre aux premières de vendre des produits chez les seconds. C’est dire combien les investisseurs croient en cette proposition de valeur, tandis que le covid a accéléré le digital dans tous les domaines…
Ce créneau, c’est précisément aussi celui de Faire, place de marché américaine née en 2017, soit deux ans plus tôt, et déjà valorisée 12,4 milliards de dollars. Une concurrence directe, en quelque sorte, d’autant qu’elle se développe en France depuis l’année dernière, en mai pour de premiers tests, à l’automne pour le lancement de la communication. L’ambition est d’offrir aux marques indépendantes ainsi qu’aux commerçants une opportunité de croissance en trouvant une alternative à Amazon. « Notre modèle économique repose sur un système de commission, de 25 % lors des premières commandes à 15 % pour les suivantes », détaille Olivier Buffon, directeur de l’international venu d’Airbnb pour contribuer à développer la plateforme, qui a depuis ses débuts levé plus d’un milliard de dollars.
75 000 produits français disponibles
Pas de bureau en France pour Faire mais une équipe d’une trentaine de personnes – la plus conséquente pour l’Europe – qui, depuis Londres, prend en charge les opérations, les recherches sur l’environnement réglementaire, le service client ou encore l’accompagnement des marques, et souhaite s’étoffer d’un point de vue communication et marketing. « La France est le pays enregistrant la plus grosse croissance en Europe. La base de marques tricolores a été multipliée par près de 30 depuis le démarrage », souligne Olivier Buffon. La plateforme revendique 40 000 marques dont le quart en Europe, tous secteurs d’activité (épicerie fine, beauté, mode, décoration…), et 300 000 magasins répertoriés – par comparaison, Ankorstore affiche 200 000 commerçants en Europe dont 40 % en France et 15 000 marques dans la même zone, dont un tiers dans l’Hexagone. Parmi les griffes tricolores présentes sur Faire figurent Armor-Lux, Natalys et d’autres plus petites structures comme Billybelt, Carré Royal (mode et accessoires), Doudou et Compagnie, Lait et Miel, Myum (produits enfant), Bon Parfumeur ou Bastille (beauté), entre autres. Au total, plus de 75 000 produits français y sont disponibles.
La place de marché arrive en France sur un segment à la fois dynamique et disputé. « Le marché a vraiment accéléré depuis quatre à cinq ans, surtout avec le covid qui amène des habitudes d’achat différentes, pour des produits de plus en plus techniques. Les marketplaces représenteront 7% des ventes de biens et services en 2025 contre 2% en 2015 », dépeint Matthieu Simon, associé au sein du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger, qui réalise avec une autre licorne du secteur, Mirakl, et Webhelp Payment Services, une étude sur les marketplaces B to B, dont la dernière édition a été dévoilée en mai. Le marché est aussi rendu concurrentiel par l’existence d’acteurs aux profils multiples, des spécialistes aux généralistes (Amazon) en passant par les fournisseurs de marketplaces comme Mirakl mais aussi Octopia (Cdiscount).
Pour se différencier, les facteurs de réussite sont nombreux : profondeur de l’offre produit – l’idée étant, par exemple, qu’un salon de coiffure puisse trouver au même endroit aussi bien du matériel professionnel que des meubles pour aménager son point de vente –, simplicité d’utilisation, prise en charge du paiement, mise à disposition de datas, etc. « Des parcours client se créent en B to C et se déportent en B to B, comme le paiement », remarque Matthieu Simon. C’est un enjeu pour Faire : les professionnels prenant de nouvelles habitudes d’achat dans le cadre privé apprécient que les fonctionnalités proposées, notamment en termes de fluidité du parcours, le soient aussi quand ils passent des commandes dans le cadre du travail.
Marché d’hiver
La conquête de l’Hexagone s’est articulée pour Faire en différentes étapes, à commencer par l’ouverture de la plateforme aux marques, puis aux magasins. Des conditions spécifiques, qui se veulent autant de facteurs de différenciation, ont progressivement été mises en place, comme le retour gratuit pour les magasins si la marchandise reçue ne convient pas, le paiement à 60 jours – qu’Ankorstore propose aussi – ou encore une gestion de la traduction, de la TVA et des droits de douane pour faciliter les ventes outre-Atlantique. « Cela a commencé plus fort que ce que l’on pensait : le volume d’affaires s’est établi à 150 millions de dollars pour l’Europe en 2021 », relève Olivier Buffon. Un résultat atteint aux États-Unis en trois ans contre une demi-année sur le continent européen. Côté communication, Faire s’est, fin 2021, rapprochée de l’agence Rumeur Publique, afin de faire parler d’elle. Dans le détail, l’agence a en charge ses relations presse et publics et sa stratégie de contenus sur le territoire.
Autre levier activé : tout en s’appuyant sur le bouche-à-oreille, qui selon elle reste son premier canal de notoriété, la plateforme a organisé, quand le covid le permettait, des événements physiques, confidentiels (une vingtaine de personnes) ou plus ouverts (300 participants), pour faire se rencontrer magasins et marques. Elle peaufine actuellement la deuxième édition européenne de son événement virtuel mondial, le Faire Winter Market, qui se tiendra du 31 janvier au 4 février, qui sera accessible aux clients et prospects et où notamment les commerçants auront accès à des promotions de la part des marques. À titre d’exemple, près de 12 000 marques auraient reçu des commandes de 30 000 détaillants, durant la précédente édition, l’été dernier.
Par ailleurs, sans toutefois avoir mené d’actions spécifiques à leur égard, Faire se dit proche des organisations de commerçants pour faire connaître son service auprès de cette cible privilégiée et, dans l’optique de « ne fermer aucune porte », n’exclut pas de passer par la publicité.
Chiffres-clés
150 millions de dollars. Volume d’affaires réalisé en Europe (soit 132 millions d’euros).
700 +. Nombre de salariés de Faire dans le monde. La plateforme est présente dans une petite vingtaine de pays.