Venue de la finance responsable, Cécile Lochard est aujourd’hui directrice du développement durable de Guerlain. Une maison qui a mis la défense de la biodiversité au cœur de ses actions.
Avec sa chevelure flamboyante et sa silhouette de yogiste, Cécile Lochard n’a pas le physique d’Obélix. Mais comme le célèbre personnage, elle est tombée dans la marmite toute petite. La marmite de l’engagement, qui lui donne le pouvoir de transformer le luxe et en particulier la marque Guerlain, dont elle est directrice du développement durable depuis trois ans. « Mon père a créé un des premiers fonds éthiques en France dans les années 80, ma mère était pharmacienne biologiste, se remet-elle. Après des études de commerce, j’ai travaillé quatre ans chez HSBC à la finance socialement responsable. Puis j’ai rejoint le WWF pour m’occuper des partenariats avec les entreprises. J’ai découvert que les maisons de luxe agissaient dans l’ombre et restaient remarquablement discrètes. Le secret est érigé en principe fondateur chez elles. Or le développement durable exige de se dévoiler. »
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Avec Alice Audouin, alors directrice du développement durable d’Havas et directrice de collection chez Eyrolles, elle publie le premier livre sur le luxe et le développement durable en 2011. Elle crée sa propre société de conseil en philanthropie, Citizen Luxury, qui l’amène à être recrutée comme directrice du développement durable et de la communication de Cha Ling, une marque de cosmétiques créée par Guerlain pour préserver les forêts de théiers du Yunnan en Chine. Désormais indissociable de la maison du groupe LVMH, elle œuvre à amplifier les sujets de biodiversité et d’agriculture régénératrice, plutôt nouveaux dans le luxe.
« Le symbole de Guerlain est l’abeille depuis son origine en 1853 et le flacon du parfum de l’impératrice Eugénie, créé pour son mariage avec Napoléon III, était déjà ressourçable, rappelle Cécile Lochard. La maison a toujours été proche de la nature par ses ingrédients. Mais je n’aurais jamais pensé que l’on aurait pu se proclamer membres de l’UEBT (Union for Ethical Bio Trade, association spécialisée sur les approvisionnements responsables) ou que l’on fabriquerait nos parfums avec de l’alcool de betterave bio de Picardie. Il y a dix ans, quand on parlait de matières recyclées, cela semblait antinomique avec le luxe. Aujourd’hui, on ne lance pas un produit sans le passer au crible du développement durable. »
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Avec la présidente Véronique Courtois, Cécile Lochard a créé le programme Women for Bees, qui forme des femmes apicultrices, et a mis en place un sustainable board, un conseil d’experts – parmi lesquels Yann Arthus-Bertrand et Alice Audouin –, pour pousser l’entreprise dans ses retranchements en matière d’environnement. Le photographe-réalisateur a aussi signé la dernière publicité pour les parfums Aqua Allegoria [lire Stratégies n°2127]. Avec l’actrice Angelina Jolie, c’est un des porte-voix médiatiques des engagements de la maison. « En termes de communication, il faut être vigilant : tous nos messages passent au crible du juridique, souligne Cécile Lochard. Mais il ne faut pas hésiter à se mettre en avant car le luxe a une empreinte sur les imaginaires et peut créer un cercle vertueux. »