Eni se positionne sur les énergies renouvelables

C’est sans doute le chien à six pattes le plus célèbre du monde. Présent en France depuis plus d’un demi-siècle à travers différentes activités comme les stations-service ou la vente de gaz naturel, le géant de l’énergie italien Eni passe une nouvelle étape sur le marché tricolore en y lançant « Plenitude ». Nouveau nom de Eni Gas & Power, la marque, déjà présente dans une quinzaine de pays, couvre trois métiers : production d’énergie renouvelable, solaire ou éolienne (en France, elle dispose de neuf lieux d’exploitation), développement de bornes de recharge électriques (300 projetées dans l’Hexagone d’ici à fin 2024) et fourniture de gaz et électricité à une clientèle essentiellement composée de particuliers. Seul le nom commercial change pour le moment ; le nom de l’entreprise suivra quand tous les clients (près d’un million) auront été progressivement basculés sur la nouvelle offre, à la fin des contrats en cours. « C’est le reflet d’un changement stratégique de notre entreprise, au-delà d’un changement de marque et de logo », explique Mauro Fanfoni, directeur général de l’entreprise en France, qui ambitionne, en prenant ce tournant, de « devenir une référence incontournable sur le marché français de l’énergie », en particulier sur le créneau du renouvelable.

Aujourd’hui « quatrième acteur en termes de nombre de clients » sur le territoire français, Eni aura fort à faire pour y imposer sa « nouvelle » marque, bien qu’il puisse s’appuyer sur des retours d’expérience des pays où Plenitude a déjà été déployée. Le marché se divise entre « les acteurs historiques [nationaux] (EDF, Engie…), les historiques des autres pays (le suédois Vattenfall, l’espagnol Iberdrola…), les nouveaux acteurs (Ekwateur, Ohm Energie, Enercoop…) », dessine Caroline Dusanter, fondatrice d’Aurorae, agence éditoriale spécialisée dans l’énergie, le BTP et l’environnement. Plenitude « arrive dans un marché en forte transformation. Beaucoup de solutions sont en train d’émerger. On observe un décollage des énergies renouvelables avec différentes réglementations, notamment pour le solaire », complète Steven Dolbeau, directeur associé d’Anima Conseil, agence de conseil en RP, concertation et événementiel pour les acteurs de l'énergie, des territoires et du numérique. « On peut rapprocher la stratégie d’Eni de celle de Total quand il a changé de nom pour TotalEnergies en mettant le focus sur les énergies renouvelables », note-t-il.

Ce lancement intervient à un moment compliqué pour le secteur, alors que la question du prix de l’énergie fait débat en France. « La fiscalité s’applique de la même façon à tous les fournisseurs et vient en plus sur la facture », relève Naïma Idir, directrice des affaires réglementaires et du développement business de Plenitude, qui reconnaît « beaucoup de questions relatives à la fiscalité dans le PLF [projet de loi de finances] » pour 2025 et s’attend à des discussions parlementaires « avec beaucoup d’amendements » sur la thématique. « On verra ce qui sera retenu », poursuit-elle, tout en soulignant que les clients devront s’y retrouver. La fin, le 31 décembre 2025, de l’Arenh (pour Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), un dispositif qui permet aux fournisseurs alternatifs de s'approvisionner en électricité auprès d'EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics, pourrait aussi peser sur les prix.

Par ailleurs, sur le volet mobilité, « le développement des voitures électriques a ralenti mais progresse toujours », précise Steven Dolbeau. « C’est une course contre la montre. Une fois que tout sera couvert, les perspectives de développement seront très courtes. Le marché de l’énergie est en train de se structurer et c’est maintenant qu’il faut être présent », synthétise-t-il. En dépit du contexte délicat, c’est donc le moment pour Eni de poser ses pions…

Un service client repensé

« Pour se démarquer, il faut une stratégie prix, une offre d’électricité verte avec quelque chose en plus (la possibilité de choisir son fournisseur local comme chez Ekwateur, son pourcentage d’énergie verte comme chez Alpiq…) ou encore avoir un label VertVolt de l’Ademe », liste Caroline Dusanter, pour laquelle « les fournisseurs ne peuvent plus arriver seulement comme fournisseurs d’énergie mais [doivent être des] partenaires énergétiques avec une gamme plus large ». Chez Plenitude, « notre avantage concurrentiel, c’est la création d’un pôle d’experts énergie. La relation client de bout en bout est très importante », expose Mallorie Sia, directrice go-to-market chez Eni.

L’entreprise a en effet, depuis cet été, repensé sa relation client. « Nous sommes passés d’un modèle service client classique [organisé par fonction] à un modèle intégré avec des experts énergie organisés par équipes, dédiés aux clients et formés pendant plusieurs semaines pour répondre aux questions : activation, facturation… », détaille la responsable. Grâce notamment à un outil retraçant les interactions avec chaque client, ces collaborateurs proposent un accompagnement personnalisé, un suivi de consommation ou des conseils (installation de panneaux photovoltaïques, aides financières pour la rénovation énergétique…). En parallèle, la marque utilise les avis Trustpilot et les enquêtes de satisfaction pour optimiser sa relation client. Enfin, Eni a revu son site internet et promet de la « transparence » dans ses offres commerciales, reposant à l’heure actuelle sur un prix fixe (une pour le gaz, une pour l’électricité).

Pour promouvoir Plenitude, Eni, accompagné de ses agences TBWA (publicité) et Carat (média), a repris la parole le 19 octobre après quatre ans de silence. Un plan média « d’ampleur » est prévu, multi-support (TV, cinéma, presse, digital…) et qui se déroulera sur plusieurs années. En point d’orgue du dispositif, au démarrage : un immense affichage au Cnit de La Défense. Celui-ci repose sur « un nouveau concept créatif autour de la pâte à modeler, adaptable et malléable à la transformation comme Plenitude envisage de l’être » (sic). Une tentative de rompre avec les codes de communication d’un secteur au ton encore souvent institutionnel ou corporate.