WhatsApp s’invite entre les attachés de presse et les journalistes. Mais n’est-il pas trop intime ?
« T’oublies pas les bières ? », « Je t’attends au train de 18h54, Bisous Mamoune », « Avez-vous bien reçu notre CP concernant le lancement… », « J’tm mon < 3 »… De plus en plus, au sein de WhatsApp, les conversations pro et perso s’entremêlent. Les témoignages de journalistes se multiplient d’attachés de presse qui contactent directement sur l’appli de messagerie, voire appellent, afin de proposer un sujet. Et parfois sans même qu’il n’y ait eu de contact avant. Mais WhatsApp est-il un bon canal pour les relations presse ?
Après les mails, les messages LinkedIn et les SMS sans réponse, il est tentant de passer par WhatsApp. « L’avantage dans nos échanges avec les journalistes, c’est de voir si tout est bien reçu et ouvert, sans compter le “dernière connexion à…”, qui nous indique sa disponibilité, concède une attachée de presse. Sur WhatsApp, on sait si on se fait ghoster », ajoute-t-elle. L’appli donne des infos que les journalistes, de plus en plus sollicités, gardent pour eux. Les rédactions maigrissent, et émerger devient de plus en plus complexe. « Nous constatons une baisse des retombées presse organiques », constate Caroline Hoffmann, consultante chez Oxygen. Débordée, la presse répond encore moins qu’avant (c’est dire !) et il devient extrêmement difficile ne serait-ce que de savoir si un sujet vaut le coup, ou d’établir un lien avec les rédactions pour comprendre comment chacune fonctionne. Alors, face à la multiplication des canaux, WhatsApp peut sembler une réponse « naturelle » et plus pratique. D’autant plus que l’outil est souvent utilisé en interne, entre collègues.
Mais les messageries n’ont pas le même « statut » chez certaines personnes. En France, du moins. Et pour certains, un message WhatsApp d’un inconnu, c’est comme si quelqu’un venait sonner à domicile. La croissance de l’utilisation du mobile n’empêche pas de vouloir « siloter » les usages. « Contacter via WhatsApp sans autorisation préalable, c’est un “non” catégorique, selon moi. Jamais pour entrer en contact avec un journaliste, c’est bien trop intime », tranche Sibylle de Villeneuve, fondatrice de l’agence Raoul. « Les mails, ou LinkedIn – car le réseau est professionnel – permettent déjà de voir si le sujet accroche, décrit-elle. Si on ne vous répond pas avant, cela ne sert à rien d’aller plus loin. C’est qu’il faut retravailler son sujet, lire le journaliste et comprendre ses angles », insiste-t-elle. À moins qu’une relation déjà suivie n’ait déjà été établie.
Le problème c’est que WhatsApp change peu à peu de statut dans les mœurs. « Il est très pratique avec sa fonction de discussions de “groupe”, pour les voyages de presse, par exemple. Ou pour les contacts internationaux », admet Caroline Hoffmann. Ailleurs en Europe, en Afrique ou aux US, la question ne se pose pas. Les frenchies feraient-ils encore de la résistance ? « C’est à nous de nous adapter au fonctionnement du journaliste. Chez Oxygen, nous partageons, en interne, si un journaliste préfère être contacté via SMS, ou par téléphone. On peut ainsi savoir s’il utilise ce canal facilement ou non. S’il nous contacte de lui-même via Whatsapp, alors c’est OK. » Le débat avait déjà eu lieu il y a plus de vingt ans, avec l’arrivée des SMS. La question n’est-elle que générationnelle ?