Quand huit enfants sur dix se retiennent d’aller aux toilettes à l’école, il y a là un sujet de société dont Harpic devait s’emparer. La marque le fait de manière exemplaire, en posant des actes avant de prendre la parole, une démarche qui lui vaut le Grand Prix Stratégies de la communication d’engagement 2022.
« Je me retiens presque tous les jours », « Moi, je bois pas pour pas aller aux toilettes ». C’est le genre de témoignages recueillis quand l’on interroge les enfants sur leur rapport à ce lieu qui reste à bien des égards tabou, le petit coin. Cette situation peut voir des conséquences importantes : maux de ventre, constipation, infections urinaires, stress, manque de concentration… « Quand on s’est demandé avec notre client sur quel sujet il pouvait contribuer de manière active, nous avions tous, dans la discussion, des anecdotes d’enfants à raconter », se souvient Dominique Verot. La vice-présidente exécutive de l’agence BETC gère plusieurs marques du groupe Reckitt Benckiser, dont Harpic, une marque centenaire spécialisée dans l’hygiène des toilettes. Le groupe anglo-néerlandais veut qu’en France, chaque marque de son portefeuille ait une raison d’être, que chacune « porte un combat en rapport avec les produits qu’elle vend », indique Benoit Bucco, directeur marketing de Reckitt Hygiène France. Le combat en faveur d’un accès plus facile aux toilettes à l’école, qui correspond à l’un des objectifs de développement durable de l’ONU, s’imposait.
Lors du lancement du programme « Harpic, à nous les toilettes ! » en 2019, une étude quantitative est commandée à Harris Interactive. « Nous nous sommes aperçus que huit enfants sur dix se retenaient d’aller aux toilettes à l’école », note Dominique Verot. La première étape du programme consiste à mettre fin au tabou en alertant les familles des enfants de 7 à 11 ans, les enseignants et les leaders d’opinion, à commencer par les responsables des collectivités locales en charge du budget des écoles. À l’occasion du Salon des Maires, BETC diffuse des flyers auprès des élus et colle des stickers dans les toilettes du salon en leur demandant si eux aussi se retiennent. Trois vidéos de témoignages d’enfants sont ensuite diffusées sur YouTube et Facebook pour toucher les parents. Elles sont vues 250 000 fois avec un taux de complétion de 75 %.
BETC Corporate, associée à l’opération, cherche à comprendre comment ce sujet a déjà été abordé. « On a été voir les rapports et les études publiées et on s’est aperçu que depuis dix ans des gens alertaient sur le problème mais qu’aucune solution n’apparaissait », explique Lucie Munsch, directrice générale adjointe de BETC Corporate. L’agence se tourne vers deux partenaires de terrain pour l’aider à définir des actions concrètes. Edith Maruéjouls, sociologue et géographe, qui a travaillé sur la question du genre dans les cours de récréation, mène deux expérimentations dans des écoles. Les Petits Citoyens, un programme de la Fédération Léo Lagrange, association agréée par l’Éducation nationale, est aussi mise à contribution au travers d’expérimentations dans des centres de loisirs. Près de 400 enfants au total sont impliqués dans un programme qui dépasse largement la question des produits d’hygiène ou des ustensiles nécessaires pour garantir la propreté des lieux d’aisances. Il touche aussi, de manière évidente, aux comportements, à l’éducation au vivre-ensemble, et pose également la question du harcèlement scolaire.
Le dernier volet du programme Harpic consiste, enfin, à développer et à mettre à disposition des parents et des enseignants du contenu éducatif adapté aux enfants. Cela se fait à travers la distribution de plus de 100 000 dépliants aux abonnés d’Astrapi, magazine pour enfants du goupe Bayard, et de 20 000 livrets sur le thème de l’hygiène aux enfants des centres de loisirs Léo Lagrange. « Ce programme est devenu un pilier de la marque et il a certainement de beaux jours devant lui », se félicite-t-on chez BETC.
Verbatim
« Avant de communiquer, on voulait avoir une crédibilité »
Benoit Bucco, directeur marketing de Reckitt Hygiène France
« Ce programme représente pour nous un engagement sociétal à long terme. Nous voulons avancer vers des solutions en essayant de créer un réseau de partenaires. Il est important de le faire étape par étape, et aussi de construire une crédibilité. Avant de communiquer auprès du grand public sur cet engagement, nous voulons mettre en place des actions, avoir des résultats, et après seulement on en parlera. Mettre la charrue avant les bœufs, ce serait du greenwashing. »