Ambiance «good vibes», starification, Gen Z… En tirant les leçons de l’échec de 2016, la campagne de Kamala Harris brise les codes de la communication politique américaine. Un pari gagnant ?

Première femme noire à la vice-présidence des États-Unis, Kamala Harris accomplirait un exploit en remportant la course à la Maison-Blanche. Pourtant, cette potentielle avancée historique n’est jamais mise en avant par la candidate, contrairement à Hillary Clinton en 2016. Il y a huit ans, cette dernière avait fortement centré sa communication sur l’aspect historique de sa candidature : première First Lady à entrer en politique, première femme investie pour une présidentielle américaine... Une stratégie aujourd’hui considérée comme perdante par les démocrates.

Pour mener cette course inédite, Kamala Harris mise sur une méthode déjà employée par Barack Obama en 2008 : la promotion de l’espoir. Valoriser davantage l’engouement que la campagne suscite, et laisser de côté le genre et la race que la candidate incarne, obsessions historiques du peuple américain.

Good vibes et starification

Cette communication électrique et enthousiasmante rappelle celle d’une pop star. Preuve en est, Kamala Harris est désormais simplement «Kamala» au même titre qu’une «Rihanna» ou «Zendaya». L’usage du mononyme, ultime étape de l’iconisation «pop» de la femme politique. Exit les triples initiales des présidents du siècle dernier (JFK, VGE...), Kamala symbolise l’ère d’un nouveau marketing syllabique.

La convention démocrate tenue mi-août avait des allures de Coachella, avec ses invités surprises, ses discours iconiques, son trolling du camp adverse, et bien sûr ses mèmes déjà viraux. Good vibes, larges sourires, peu de mentions des sujets qui fâchent. Et ça fonctionne : face à cette stratégie, Donald Trump semble désemparé et peine à trouver la riposte, ce qui se reflète dans les sondages. Au 31 août, le New York Times confirme que Kamala Harris mène la danse avec une avance de 3% face à son rival.

Old school vs new cool

Mais la force de la campagne de Kamala Harris réside aussi dans sa capacité à adopter les codes de la Gen Z. Par exemple, son site officiel Kamala for President est couplé à un compte Twitter/X au ton décalé, Kamala HQ - imitant les fanpages d’artistes pop comme Taylor HQ ou Beyoncé HQ.

Les accréditations presse sont autant accordées aux journalistes politiques qu’aux influenceurs. Une communication intergénérationnelle qui galvanise les démocrates : Kamala Harris est perçue par la Gen Z comme une «brat» (sale gosse). Un nouveau souffle après la campagne difficile de Joe Biden.

«Brat» des villes et «brat» des champs

Mot d’ordre du camp démocrate, la cool attitude s’étend jusqu’à l’Amérique rurale. Le colistier de Kamala Harris, Tim Walz, apparaît comme l’atout des démocrates pour éviter un autre écueil majeur de la campagne de Clinton en 2016 : l’image d’establishment et de snobisme envers l’Amérique profonde. Le choix de Walz est en lui-même un acte de communication réfléchi. Si Donald Trump a réussi à imposer l’idée que l’Amérique des campagnes est conservatrice et isolée, Tim Walz prouve le contraire : l’Amérique rurale peut aussi être progressiste mais surtout cool.

Avec sa langue acérée, ce père de famille du Midwest, blanc et sexagénaire, se distingue par sa capacité à troller le camp républicain. En plus des accusations classiques de sexisme ou de racisme que Donald Trump sait si bien contourner, Walz qualifie le candidat républicain de «weird» (bizarre). Flou mais incisif, le terme est devenu viral, jusqu’à être repris dans les communiqués officiels de la campagne. On ne critique plus Trump uniquement pour le danger qu’il représente, mais pour être un homme d’un autre temps, dépassé.

Kamala Harris semble ainsi avoir repéré tous les angles morts de la campagne de 2016 et mène une communication ciblée, efficace, globale. Reste à voir si cette stratégie se traduira dans les urnes le 5 novembre.