La marque de vêtements signe un documentaire sur l’impact environnemental de l’industrie textile. L’occasion de faire le point sur la stratégie de communication de l’entreprise pionnière en développement durable. Un article également disponible en version audio.
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Le titre donne le ton : Shittropocene. Dans ce film de 45 minutes visible sur YouTube depuis le 29 avril, la marque Patagonia décrit une ère géologique dans laquelle la Terre croule sous les déchets causés par la production intensive de vêtements. Une biologiste, une historienne, une chercheuse en neurosciences y expliquent les mécanismes qui ont mené l’humanité de la lutte pour la survie à la préhistoire à la surconsommation actuelle, en passant par l’invention de la mode sous Louis XIV. En parallèle, la marque documente ses efforts pour concevoir des vêtements durables, à travers l’exemple de la difficile mise au point d’un pantalon de pêche parfaitement étanche. Le tout dans une mise en scène enlevée du réalisateur David Byars, déjà auteur de films pour Patagonia, et un ton humoristique qui démontre l’absurdité du modèle économique dominant.
Treize ans après la célèbre campagne « Don't buy this jacket » (« N’achetez pas cette veste », sortie à l’occasion du Black Friday 2011), Patagonia continue de dénoncer l’impact social et environnemental de l’industrie textile et de mettre en avant ses propres engagements : des produits de qualité faits pour durer, un service de réparation, l’utilisation de coton bio et de matériaux recyclés, l’arrêt des fournisseurs soupçonnés d’exploiter des Ouïgours… Le film Shittropocene s’inscrit dans une campagne plus large de la marque californienne, « Fashion is none of our business » (« La mode, ce ne sont pas nos affaires »).
La qualité avant le style
« Nous créons des pièces intemporelles, souligne Jelle Mul, directeur marketing EMEA de Patagonia. La qualité des produits pour des activités comme l’alpinisme, l’escalade, le nautisme, c’est une question de vie ou de mort, pas de style. » À rebours de la tendance des vidéos courtes, Patagonia préfère raconter des histoires sur de longs formats, conçus pour l’essentiel en interne par son propre studio de création. La marque entretient le lien avec sa communauté à travers des campagnes de mobilisation (pétition contre l’élevage de saumon en Islande, courses pour lever des fonds en faveur de la qualité de l’air…). Depuis la campagne présidentielle américaine de 2020, elle a cessé d’être annonceur sur Facebook.
« Nous avons prouvé que l’on peut continuer de toucher notre public sans faire de publicité sur la plateforme, souligne Jelle Mul. Notre démarche est à l’image de notre fondateur Yvon Chouinard, quelqu’un de têtu et idéaliste. Il a débuté dans les années 70 en fabriquant des pitons d’escalade réutilisables. Tout le monde lui disait que ce ne serait pas rentable. Nous continuons de faire les choses à notre façon sans suivre les tendances. » Non seulement l’entreprise est rentable, mais elle reverse 1% de son chiffre d’affaires annuel à des associations environnementales. Et son exemple a ouvert la voie à de nombreuses marques activistes.