L’organisme de crédit Cetelem ouvre avec son agence TBWA Paris une nouvelle phase de son histoire publicitaire. Après treize ans, il abandonne la fameuse saga des sosies et prend le pari de changer d’incarnation, au risque de perdre (temporairement ?) en notoriété.
Dans la dernière publicité Cetelem, sortie le 3 septembre, un homme-yéti pourvu de longs poils de la tête aux pieds déambule dans un logement gelé, mal isolé, envahi de stalactites de glace. Se heurtant à quelques menues difficultés pour nourrir son poisson rouge – l’eau de l’aquarium s’est solidifiée –, déguster un fruit – tout le panier vient en même temps – ou boire une tasse de thé – idem, l’eau est devenue un glaçon. L’idée est d’appuyer le message du film selon lequel Cetelem, via un partenariat avec l’entreprise Effy, aide à financer des travaux de rénovation énergétique. Disparus, pour cela, le « faux » Michel Polnareff, le bonhomme vert Cetelem en post-it ou les autres sosies qui ont fait les grandes heures en publicité de l’organisme de crédit, filiale du groupe BNP Paribas via BNP Paribas Personal Finance. Après treize ans de règne d’une saga appartenant désormais à l’histoire, une page se tourne…
Ce pari audacieux, l’entreprise qui, en ces temps d’inflation, voit des « populations plus fragiles » se tourner vers elle – et dit refuser plus de demandes de crédit qu’à l’accoutumée compte tenu du potentiel de risque de ces personnes –, le fait avec l’agence qui l’accompagne depuis quasiment vingt ans, TBWA Paris, par ailleurs à l’origine de sa mascotte. Sans nouvelle compétition au préalable. « Image, notoriété… Tous ces indicateurs s’effritaient. Nous perdions en modernité. Nous étions mal attribués chez les jeunes. Cela faisait la blague dans la pop culture mais présentait des signes d’usure », admet Lise Decoux, directrice de la publicité et de la communication chez Cetelem. Sans compter que l’époque a changé : « Le quotidien des clients devient difficile et les nouvelles technologies induisent de nouvelles façons de consommer », installe Véronique Fourniotakis, directrice générale adjointe de TBWA Paris. Les messages, et la façon de s’adresser aux clients, devaient donc être adaptés. « Cette saga a marqué l’inconscient collectif et la culture populaire, c’est un gros succès et un vecteur de notoriété et d’image de marque très forte. Mais à un moment, toutes les sagas doivent se renouveler. Celle-ci devenait répétitive, l’humour était moins inattendu », analyse Jean-Baptiste Karsenty, directeur associé et fondateur de l’agence de communication lyonnaise La Mobylette Jaune, à l’origine d’un post de blog fourmillant d’exemples sur l’humour dans la publicité. « Nous savons que nous allons perdre en attribution et en notoriété. Mais si dans un an nous retrouvons les niveaux atteints avec la saga, cela nous va très bien », déclare Lise Decoux.
C’est donc une nouvelle vision de la consommation que Cetelem veut faire passer dans ce film, issu d’un an et demi de travail pour construire la plateforme de marque et la communication autour de son déploiement. À savoir une consommation basée sur une certaine « équité », dans laquelle chacun a la possibilité de financer une voiture, un ordinateur, un logement, une formation, et vue comme « un moyen de vivre et de participer pleinement à l’époque ». L’organisme de crédit change aussi d’approche : dans la saga, « nous n’apportions pas de preuves concrètes que nous étions inimitables. Le discours était un peu proclamatoire. La saga ne pouvait pas parler de cela : des preuves concrètes que nous voulons apporter », reconnaît Lise Decoux. Le premier spot sur la transition énergétique avec Effy sera suivi d’un deuxième sur la mobilité en lien avec Getaround, entreprise de location de voitures. Prouver son efficacité en se rapprochant de partenaires qualifiés et en lançant des offres dédiées, voilà le pari de Cetelem.
Humour toujours
Pour appuyer ce discours, il fallait aussi changer d’univers créatif. Si Cetelem abandonne les sosies, la tonalité humoristique de la saga reste, maniée autrement. « Le décalage est toujours là », appuie Véronique Fourniotakis. « C’est un mélange d’humour absurde et d’humour noir, apprécie Jean-Baptiste Karsenty. L’humour noir vient ajouter une touche premium, de qualité, au message. Cela positionne Cetelem au-dessus de ses concurrents et lui permet de viser une nouvelle cible. » L’absurde, c’est le yéti gelé, un coucou au mur qui marque l’heure en faisant de la buée, des photos encadrées du yéti au tennis, avec sa famille avec la plage… Quant à l’humour noir, il naît du projet de faire rire sur des sujets normalement pas drôles comme le réchauffement climatique ou le mal logement. Un parti pris humoristique d’ailleurs parfois adopté aussi par d’autres acteurs du secteur, comme Cofidis avec ses « Préjugés » ou le CIC invitant dans « la banque d’en face ». Au-delà, l’expert en communication pointe aussi, dans ce film Cetelem, la présence de références à la pop culture, efficaces pour parler aux jeunes. À commencer par le sabre laser utilisé pour couper un cake congelé, référence à peine masquée à Star Wars, ou par une esthétique cinéma, dans une certaine mesure. La publicité est signée d’un duo californien également auteur de courts-métrages et de clips, Terri Timely.
Reste à voir comment ce changement sera reçu. C’est le quatrième tournant de communication que prend la marque depuis qu’elle collabore avec TBWA. Démarrée en 2004, l’histoire commence avec le film « Batterie » cette année-là puis « Bingo crédit » quelque cinq ans plus tard, autour de l’idée du crédit raisonnable, de la responsabilité. En 2010 naissait la plateforme de marque « Il ne suffit pas de ressembler à Cetelem pour faire du Cetelem », reposant sur les fameux sosies. « Nous avons été les premiers à mettre la responsabilité en avant. Il fallait pour cela être inimitable. D’où l’idée de mettre en scène des imitateurs », retrace Lise Decoux. La quatrième période s’ouvre désormais – l’année des 70 ans de l’entreprise, pas fêtés en communication si ce n'est en interne –, installant la nouvelle plateforme : « Votre quotidien a de beaux jours devant lui ». Pour la promouvoir, les investissements médias ont été ajustés, revenus aujourd’hui au niveau d’avant-covid. Le dispositif (incluant TV, digital, réseaux sociaux…) sera déployé durant trois mois. Le yéti, contrairement aux sosies récurrents, ne reviendra pas dans le prochain film…
20 000. Nombre de salariés, dont un quart en France.
5,3 milliards d’euros. Produit net bancaire (PNB) dans le monde en 2022. PNB France non communiqué.