Le fabricant de sacs et accessoires Cabaïa affiche un développement presque insolent. Examen de sa plateforme de marque.
Ils sont loin, très loin de l’image du « it bag ». Et pourtant, les sacs siglés Cabaïa séduisent de plus en plus. Encore jeune (créée en 2015), la marque, spécialisée dans la maroquinerie et les accessoires, se trouve sur une pente ascendante. Ayant doublé son chiffre d’affaires entre 2021 et 2022, en passant de 15 à 32 millions d’euros en un an, elle entend encore croître cette année et vise 55 millions de chiffre prévisionnel. Ses produits sont vendus dans 17 boutiques en propre en France, le double d’ici à fin 2023 si l’on en croit ses projections, et chez un millier de revendeurs. Côté communication, elle imprime sa marque : humour, autodérision, proximité. À l’image d’une opération imaginée pour la dernière Saint-Valentin, où elle avait promu un « sac à deux » – plus grand, confortable, le ciment assuré des couples inséparables – avant de révéler la blague. Quelque 500 « précommandes » plus tard…
« Cabaïa a été créée pour devenir le Havaianas des accessoires : intemporelle, colorée, qui s’adresse à tout le monde », confie Bastien Valensi, son cofondateur avec Émilien Foiret. En pratique, reconnaît-il, sa clientèle se compose plutôt de femmes de 25 à 45 ans. « L’esprit de la marque est joyeux, authentique, convivial. D’où notre logo, une paillotte de plage, totem consensuel, apprécié dans le monde entier », complète-t-il. Si les sacs (pour vélo, ordinateur…) ou plus largement les articles de bagagerie et maroquinerie constituent son produit numéro un (67% du chiffre), l’entreprise commercialise aussi gourdes, bonnets, chaussettes. Les produits « ciblent un problème du quotidien ». Par exemple, selon Bastien Valensi, il n’existait pas auparavant de sacs à la fois jolis, confortables et surtout pratiques. Un manque qu’il a souhaité combler via des articles adaptés à ce besoin, personnalisables, dotés de beaucoup de poches et disponibles dans un grand choix de motifs. Constitutive aussi, la dimension durable : les produits excluent le plastique à usage unique, privilégient les matériaux vegan, sont garantis à vie – à ceci près qu’ils ne sont pas fabriqués en France mais en Chine, en Pologne et en Turquie. Cabaïa, entreprise à mission, est labellisée B Corp.
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« Cabaïa rencontre l’air du temps sur le côté modulable, résume Sébastien Renault, directeur artistique du cabinet de tendances Promostyl. Aussi, c’est une marque “utopique”, qui veut donner de la joie dans un monde trouble, ce qui manque en ce moment. Sans oublier ses côtés écoresponsable et évasion à travers des imprimés revisités. » À l’écouter, pas étonnant que cela marche : en matière de cohérence avec l’époque, Cabaïa coche toutes les cases. Autre marqueur fort de la marque : contrairement à beaucoup d’autres nées à la même période, elle a choisi de ne pas tout miser sur le digital en développant, dès le démarrage, un mode de distribution triple : site e-commerce (qui génère aujourd’hui 40% des ventes), retail physique avec des pop-up stores puis des boutiques en propre (30% des ventes) et réseaux de revendeurs (30% également). Cette stratégie lui permet de toucher tous les profils de clients en jouant sur la complémentarité des canaux. Ses concurrents s’appellent Eastpack, Herschel, Sandqvist ou Fjällräven, mais tous ne se situent pas exactement sur les mêmes créneaux et gammes de prix.
La communication constitue aussi, pour elle, un levier de différenciation. Pour réussir, elle mise en particulier sur les réseaux sociaux, notamment Instagram, sur l’influence – de moins en moins cependant – et sur la publicité télévisée, dans laquelle elle s’est lancée pendant le covid « par opportunisme », alors que les prix étaient cassés. Le tout presque intégralement géré en interne par une équipe de cinq personnes, si ce n’est pour l’opération de la Saint-Valentin, menée avec l’agence Mouton Noir. « Il est difficile d’avoir notre état d’esprit en externe, justifie Bastien Valensi. On peut parfois tourner en rond côté création, c’est pourquoi faire appel à l’externe sur des opérations ponctuelles est génial. » Son budget communication et publicité double chaque année, avec une enveloppe de 6 millions d’euros en 2023 contre 3 millions en 2022 et 1,5 en 2021.
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Ses prises de parole cultivent le décalage. Avant l’opération Saint-Valentin, basée en particulier sur des influenceurs mis dans la confidence et une « fausse » vidéo du dirigeant pour crédibiliser l’opération, elle avait, par exemple, fait croire qu’elle allait sortir un arrosoir ou un parfum Jus de chaussettes. Au-delà, elle connaît les bonnes pratiques : « L’entreprise est incarnée, avec le fondateur et les collaborateurs qui se mettent en scène » sur les réseaux sociaux, observe Augustin Leclerc, directeur général de l’agence de communication et influence digitale Jin, pour qui l’inspiration de « Michel et Augustin » n’est pas loin. Autre axe : la transparence. Si l’entreprise ne fabrique pas en France, elle explique sur son site la raison de ce choix et l’impact concret que cela aurait sur ses prix si elle faisait autrement (vendre 60 euros le bonnet au lieu de 35, plus de 230 euros le sac – contre moins de 100 actuellement). Reste à voir si les clients ne lui en tiendront pas rigueur sur le long terme. Cofondatrice de l’agence de communication digitale Ça.Va, Carine Mamou n’est pas inquiète à ce sujet : « En ces temps de greenwashing, les consommateurs ne veulent pas qu’on leur raconte n’importe quoi. Ils veulent de la transparence. Ils savent que personne n’est parfait, eux-mêmes ne le sont pas », insiste-t-elle.
Un sans-faute, donc ? Presque. Augustin Leclerc relève certaines « disparités » dans les visuels utilisés, entre vidéos incarnées et images jugées trop commerciales, tandis que Valéria Castelletto, cofondatrice de Ça.Va, préconiserait un peu plus de « spontanéité » sur ses comptes sociaux, le « manque » actuel étant le revers de la médaille d’une communication très travaillée. Quoi qu’il en soit, la marque ne compte pas s’arrêter là. Celle qui réalise aujourd’hui 85% de son chiffre d’affaires en France souhaite désormais accélérer à l’international, à commencer par la Belgique, où une ouverture de magasin est prévue fin mars ou début avril, et l’Allemagne, où elle est déjà présente via des revendeurs. Devraient suivre l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, les Pays-Bas. L’horizon apparaît ensoleillé pour la paillotte de plage.
120. Nombre de salariés.
32 millions d’euros. Chiffre d’affaires à juin 2022.