Le groupe a confié à l’artiste et militant écologiste Cyril Dion la réalisation d’un film sur son service courrier. Une nouvelle forme de communication qui peut faire école à l’heure de la nécessaire transformation des entreprises.
C’est un objet inclassable, entre documentaire et film d’entreprise, fruit d’une commande de La Poste mais conçu en toute indépendance par Cyril Dion, le réalisateur de Demain, Animal ou encore la série Un Monde nouveau, disponible actuellement sur le site d’Arte. Avec son complice Thierry Robert, de la société de production Le Cinquième Rêve, il est allé à la rencontre d’une factrice, d’un livreur de colis en vélo-cargo, d’une responsable de plateforme logistique, de la directrice RSE (responsabilité sociétale des entreprises), afin de confronter les engagements de l’entreprise avec la réalité de son impact écologique. Le film de 26 minutes, Facteurs du changement, est visible sur le site de La Poste et sur YouTube.
« Nous voulons être les leaders dans le monde de la logistique décarbonée et de la finance durable, a rappelé Philippe Wahl, le PDG du groupe, lors de la présentation du film en avant-première à Paris le 24 novembre 2022. Il y a énormément de mensonges autour de la transition énergétique. Je ne sais pas si tant d’entreprises seraient prêtes à se soumettre au regard engagé et libre de Cyril Dion. » « Ce n’est vraiment pas un film d’entreprise mais un film dans l’entreprise », a souligné Philippe Dorge, directeur général adjoint du groupe La Poste chargé de la branche services courrier-colis.
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La rencontre entre le militant et le groupe public a été rendue possible par Céline Baumann, directrice de la communication services courrier-colis, et Laure Mandaron, directrice RSE, sur une idée de Gildas Bonnel, président de l’agence conseil en communication responsable Sidièse. Cyril Dion a passé beaucoup de temps à se renseigner sur la stratégie de décarbonation du groupe avant d’accepter la proposition. Première flotte de véhicules électriques en Europe, réduction des émissions de CO2 de 30 % entre 2013 et 2025, développement des poids lourds bas carbone, La Poste a des arguments à faire valoir. Mais le risque de « greenwashing » oblige à trouver de nouvelles voies pour communiquer ses engagements.
« Dans ses films, Cyril Dion pose toujours un regard juste et bienveillant sur les choses. C’était cette patte que l’on recherchait pour challenger la transformation de l’entreprise, témoigne Céline Baumann. La communication RSE est technique, on ne peut pas se contenter de dire que l’on est plus vert. Ce documentaire remplit bien les fonctions actuelles que l’on attend d’un outil de communication : expliquer, vulgariser, éduquer le consommateur. » Gildas Bonnel y voit la validation de son rôle de conseil : « On sait combien les communicants peuvent être dans le contrôle. C’est difficile de soulever le capot sur un sujet qui suscite autant de questions. Mais il est important de sortir de la “langue de boîte”, ce discours corporate qui produit de l’eau tiède. Présenter une entreprise même à travers ses limites, c’est ça la communication responsable. »
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Quant à Cyril Dion, il justifie cet exercice inédit qui lui permet de diffuser ses convictions : « Cela me paraissait intéressant d’aller voir comment une entreprise qui a vraiment envie de suivre la trajectoire des accords de Paris était capable de le faire, si oui dans quelles conditions, si non pourquoi. J’ai été très touché par la sincérité et l’engagement des gens que j’ai rencontrés. L’enjeu du réchauffement climatique a créé beaucoup de stimulation, de jubilation à trouver des solutions. J’espère que d’autres entreprises verront le film et auront envie à leur tour de résoudre l’énorme défi auquel nous sommes confrontés. »
Les convictions du militant transparaissent dans la conclusion du film, qui pointe la responsabilité collective dans la croissance des livraisons de colis en un ou deux jours, quand l’urgence écologique appelle à moins de livraisons, plus lentes. « Le but n’est pas de polluer moins, mais d’arrêter de polluer, a souligné Cyril Dion lors de l’avant-première. Nous sommes dans une course contre la montre face au réchauffement climatique, qui implique d’aller plus loin que des ajustements. Remplacer les émissions de CO2 par de l’électrique, qui repose sur l’extraction de matières premières, n’est pas la solution. Il y a vraiment un changement de paradigme économique à opérer, qui est de réfléchir à une nouvelle définition de la valeur, de sortir de l’injonction au volume et à la croissance. »
La projection a donné lieu à un débat contradictoire avec Philippe Wahl, qui a défendu le rôle de lien social de La Poste. Celle-ci pourrait trouver des relais de croissance dans des services décarbonés comme l’aide aux personnes âgées. Le PDG, qui n’avait pas visionné le film avant l’avant-première pour ne pas influer sur son contenu, entend en faire un levier de négociation avec ses clients et avec les pouvoirs publics, car les entreprises n’ont pas toutes les marges de manœuvre pour changer de paradigme. Facteurs de changement mérite d’être vu par un maximum de spectateurs, décideurs politiques, acteurs économiques et simples citoyens, pour accélérer le passage à l’action.