Twitter France et son directeur général Damien Viel viennent d’être jugés pour ne pas avoir aidé la justice à identifier les auteurs de tweets injurieux visant un responsable de la préfecture des Yvelines.
Twitter France et son directeur général Damien Viel ont été jugés lundi 17 janvier à Versailles, prévenus respectivement de «refus de répondre à une réquisition» et «complicité d'injure publique» après deux tweets injurieux visant un responsable de la préfecture des Yvelines. Fustigeant «l'échec total» de «la modération sur Twitter», devenu à ses yeux «un réseau totalement asocial (...) qui peut porter atteinte à la paix publique et au bon fonctionnement de notre société», le procureur a requis l'amende maximale contre Twitter et Damien Viel, soit 3 750 euros ou 75 000 euros chacun, en fonction de l'infraction retenue.
Tout commence en mars 2021 lorsque, sur son compte Twitter, la préfecture des Yvelines publie un message montrant son secrétaire général assistant à des opérations de contrôle du respect du couvre-feu. Un «twittos» répond alors à ce message en comparant les forces de l'ordre à la police de Pétain. Un autre qualifie le responsable de la préfecture de «nazi», ajoutant: « il faudrait le pendre à la Libération celui-là». Le parquet de Versailles ouvre alors une enquête pour injure sur ces deux tweets et, pour identifier les auteurs qui opèrent anonymement sur le réseau social, les gendarmes envoient une réquisition à Twitter France.
Refus délibéré
Problème, comme l'a rappelé Damien Viel pendant l'audience lundi, Twitter France «est une entité qui ne stocke pas de données», ces dernières étant conservées et traitées par la filiale européenne de la maison-mère Twitter Inc, située en Irlande. Or, a tonné le ministère public pendant l'audience, Twitter Inc refuse «délibérément» de transmettre ces informations, qui plus est dans les délais impartis par la justice française.
Selon l'accusation, c'est la première fois que Twitter est ainsi jugé au pénal en France pour «refus de répondre à une réquisition du procureur». À Paris, plusieurs associations de lutte contre les discriminations ont assigné en mai 2020 le réseau social à l'oiseau bleu, jugeant qu'il manquait de façon «ancienne et persistante» à ses obligations de modération de contenus sur sa plateforme.
Les auteurs courent toujours
Le tribunal avait condamné Twitter à communiquer les documents détaillant précisément ses moyens de lutte contre la haine en linge. Le réseau social ayant contesté cette décision, il s'est de nouveau défendu en décembre devant la Cour d'appel, qui doit rendre sa décision cette semaine. Dans un autre dossier parisien, trois victimes du terrorisme, cibles de harcèlement en ligne, poursuivent Twitter, tenu responsable du classement sans suite de leurs plaintes puisque n'ayant pas répondu aux requêtes judiciaires visant à identifier leurs harceleurs.
«Je suis en charge du développement économique de Twitter et pas d'autre chose», s'est justifié lundi Damien Viel qui, interrogé par le tribunal, n'a pas assumé son statut de «directeur général», lui préférant celui de «country manager». La transmission à la justice française des informations qu'elle demande «dépend de la bonne volonté de Twitter International, qui est en dehors de la juridiction française et qui choisit de coopérer ou pas», a rappelé son avocat, Maître Karim Beylouni. Les auteurs des deux tweets injurieux à l'encontre du secrétaire général de la préfecture n'ont pas été identifiés. Le jugement sera rendu le 21 mars.