Directrice marketing beautycare d’Henkel France (marques Diadermine, N.A.E., Schwartzkopf, Vademecum), Charlotte Le Buhan pilote la transition du groupe vers la consommation responsable avec méthode et conviction.
Comment transformer une multinationale de l’intérieur? Pour Charlotte Le Buhan, directrice marketing de la branche cosmétiques d’Henkel France, la prise de conscience a commencé de façon très pragmatique à partir de 2017, lorsque les chiffres du rayon beauté ont commencé à décliner. « Jusqu’alors, les marchés cosmétiques avaient toujours été moteurs de la croissance en GMS (grandes et moyennes surfaces), mais ils ont connu un phénomène de déconsommation brutal, rappelle-t-elle. Dans le même temps, nos marques positionnées sur le bio ont connu des taux de rotation accélérés, notamment Vademecum Bio qui n’était pourtant pas soutenu en communication. Les consommateurs avaient perdu confiance dans les formulations, l’application Yuka a mis en évidence les perturbateurs endocriniens et les allergènes. En quelques années, on a compris que les règles de succès des marchés historiques étaient à redéfinir. Les acheteurs demandaient aux marques beaucoup plus d’engagements et de valeurs. » La France, pays des tendances cosmétiques en Europe, a pris en main la transformation de l’offre et le pragmatisme à l’allemande de la direction du groupe Henkel a permis de passer rapidement en phase d’exécution. « Speed is the new size », résume Charlotte Le Buhan. Aller vite est la nouvelle norme du marché.
Au sein d’une petite équipe façon « task force », la jeune femme a lancé une nouvelle marque certifiée par Ecocert, N.A.E., rapidement devenue n°2 des cosmétiques bio en grande surface. « Nous avons retravaillé les formules des marques historiques pour augmenter la part des ingrédients naturels, ajoute-t-elle. Au niveau des emballages, nous avons généralisé le carton FSC, les flacons en PET 100% recyclé et recyclable. Nous avons été les premiers à nous lancer dans les cosmétiques solides en capillaire, qui fonctionnent mieux que le liquide dans le rayon. Plus accessibles en prix, ils ont une durée d’utilisation plus longue, et sans plastique. »
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La transformation responsable passe aussi par de nouvelles représentations en communication : au niveau des éco-gestes, montrer un pot de crème qui ne déborde pas, une dose de dentifrice qui ne dégouline pas sur la brosse; au niveau de la diversité, mettre en avant des femmes de tous âges et de toutes origines. « Nous sommes sortis de la dénomination anti-âge, on parle de crème qui vise à réduire les rides, en prenant garde d’utiliser des appellations compréhensibles et non dénigrantes. D’ici 2023, les mannequins qui représentent les gammes Schwartzkopf seront représentatives du métissage de la société. » Depuis 2019, l’agence de communication Sidièse conseille l’annonceur, qui participe au programme Faire de l’Union des Marques. Ces adaptations peuvent sembler timides par rapport à des marques engagées par nature, mais la difficulté à manoeuvrer un paquebot comme Henkel n’est pas à sous-estimer. Le défi actuel est d’arriver à résister à la hausse du coût des matières premières, qui ne va pas dans le sens des solutions écologiques.