Le paiement en magasin fait sa mue pour fluidifier le parcours client. Revue des innovations technologiques en la matière.
La crise sanitaire du covid a accéléré le déploiement de solutions dans le domaine du paiement, cela afin de limiter les files d’attente en caisse et les contacts humains. L’outil principal de cette révolution ? Le smartphone. Dans une étude de mai 2021, YouGov affirme que près de deux personnes sur cinq (37%) utiliseront des applications de paiement mobile pour effectuer des achats en magasin une fois la pandémie terminée. Menée auprès de 18 000 personnes dans 17 pays, l’étude laisse cependant entrevoir la réticence ou le désintérêt des consommateurs français, l’Hexagone se plaçant à la dernière place du classement avec seulement 15% de convaincus. Pour autant, le m-commerce se développe dans le monde avec de nombreux acteurs en ordre de bataille sur ce créneau dont Apple Pay, Google Pay ou encore Samsung Pay. En France, selon les données de Statista, les usagers privilégient les fintech tricolores PayLib et Lydia. Cette dernière est d’ailleurs devenue la 22e licorne française en décembre 2021.
Scan and go
Le paiement sur mobile existe aussi au travers des applications de « scan and go » qui permettent aux clients de scanner en autonomie les codes-barres des produits en rayon et de régler leurs achats directement depuis leur mobile (avec envoi immédiat de la facture par e-mail) ou en caisse avec la méthode de paiement de leur choix. Ils n’ont alors qu’à présenter un QR code (qui est entré dans les usages avec le passe sanitaire) lors de leur passage en caisse. L’enseigne de bricolage Brico Dépôt a fait le choix du « scan and go » et a fait appel pour cela à la start-up française Lyf Pay. La réflexion avec la start-up a démarré au mois de septembre 2020 et la solution est opérationnelle depuis octobre 2021 dans l’ensemble des 123 magasins nationaux, après une phase de test sur dix magasins durant l’été.
« Quand vous scannez le code-barres, la fiche produit complète s’affiche », argumente Frédéric Leclef, directeur général délégué de la fintech. Un atout qui fait particulièrement sens pour les secteurs alimentaire et cosmétique dont les compositions des produits sont scrutées par les consommateurs. Quant à la prise en main par les clients de Brico Dépôt, Sabine Maingot, responsable nationale des métiers caisse et administratif, explique que pour l’heure ce sont surtout les early adopters qui se sont emparés de l’application. Une minorité d’usagers qui, pour sortir du magasin, n’ont qu’à présenter au vigile le règlement de leurs achats sur leur téléphone.
Étagères connectées
Toujours dans cette idée de rendre « indolore » le passage en caisse, en donnant peut-être une illusion de gratuité, les technologies de « computer vision », comme celle d’Amazon Go ou d’étagères intelligentes, commencent à séduire les retailers. Une solution de ce type a été déployée au mois de juillet par la start-up israélienne Shekel Brainweigh pour le Monop’ rue de Marseille dans le Xe arrondissement de Paris, après une phase de test à Clichy, au siège du distributeur. Les étagères de la supérette sont équipées de balances capables de déterminer, avec le poids, les produits pris en main par le client, ce dernier s’étant préalablement identifié avec sa carte bleue. Cette solution baptisée « Black Box » n’est mise en place que pour la nuit sur une petite surface du magasin.
Sur le même principe, Auchan a ouvert en septembre son tout premier « Auchan Go » sur le campus de l’école de commerce Edhec Business School à Croix, dans le Nord, avec la start-up chinoise Cloudpick. Mais cette fois, les clients doivent télécharger une application et s’identifier via leur numéro de téléphone. Carrefour teste également les étagères connectées avec la solution de la start-up californienne AiFi. Après une phase de test à son siège de Massy, l’enseigne a lancé son modèle « Carrefour Flash 10/10 » en novembre au sein d’un petit magasin de 50 m2, situé dans le jeune et branché quartier Parmentier, dans le XIe arrondissement parisien. Le magasin n’a pas de portique à l’entrée mais dispose d’une reconnaissance d’images avec près de 60 caméras au plafond, qui suivent les mouvements de bras des clients, représentés anonymement sous forme de bonhomme allumette. Le but de cette technologie qu’on imagine onéreuse ? « Apporter de l’innovation à nos clients : ce n’est pas le client qui doit aller vers la technologie, en téléchargeant une application, mais c’est la technologie qui doit venir à lui », expose-t-on à la direction de Carrefour.
Les clients peuvent ensuite se rendre à l’une des trois caisses, dont l'une est une caisse automatique classique et les deux autres des tablettes pour « alléger au maximum la lourdeur de la transaction ». Toutes permettent le paiement sans contact, qui s’est fortement imposé ces deux dernières années. Qu’en est-il du vol ? Carrefour assure que la solution est fiable à 96% et qu’il n’y a pas tellement de risque, d’autant que le magasin emploie quatre salariés et qu’il dispose de caméras de surveillance classiques.
Caisses pour bavarder
D'ailleurs, l’un des arguments des retailers en faveur de la mise en place de ces nouvelles technologies, en dehors de l’intérêt pour le client, est le fait de pouvoir réallouer les ressources humaines. Les employés peuvent ainsi réaliser d’autres missions que l’encaissement, comme la préparation des colis pour le drive piéton ou des services comme UberEats et Deliveroo, ainsi que la gestion des colis alors que l'e-commerce est en plein boom, ou même des missions à forte valeur ajoutée comme le conseil. D’autres acteurs ne manquent pas de remarquer que le passage en caisse peut aussi être un formidable lieu d’échange et de relation-client, et recommandent de laisser le choix au consommateur, entre technologie et caisses traditionnelles. C’est l’avis de Philippe de Mareilhac, président de Market Value, qui prend l’exemple de Jumbo, une chaîne de supermarché aux Pays-Bas, qui a pris le contre-pied de la dématérialisation en proposant des « Kletskassa's », des caisses de bavardage destinées à lutter contre la solitude des personnes âgées. De la technologie, oui, mais de l'humain aussi.