«Il faut raviver la flamme du vrac.» Après avoir connu une forte progression ces dernières années, la filière vrac patine en 2021 à cause des changements d'habitudes des consommateurs et craint pour l'avenir de ses épiceries. L'association professionnelle Réseau Vrac estime que le vrac, ces produits vendus sans emballage et dont le consommateur choisit lui-même la quantité qu'il souhaite, ne connaîtra pas de croissance cette année, une première depuis la création de l'association en 2015. Elle mise sur un chiffre d'affaires stable, à 1,3 milliard d'euros.
«On est dans un contexte aujourd'hui qui n'est absolument pas favorable depuis six mois», assure à l'AFP Célia Rennesson, directrice générale de Réseau Vrac. La situation est surtout difficile pour les commerces spécialisés, qui représentent environ 10% du marché du vrac : l'association estime qu'ils ont perdu environ 30% de leur fréquentation depuis mai. Or, ce sont souvent des boutiques installées depuis moins de deux ans, qui n'ont pas beaucoup de trésorerie.
D'après un sondage mené du 1er au 14 décembre par Réseau Vrac auprès de 400 commerçants et fournisseurs, 40% des commerçants vrac pensent ainsi devoir fermer dans les six prochains mois, tandis que, du côté des fournisseurs, 21% des personnes interrogées envisagent un risque de cessation de paiement dans les douze prochains mois.
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Le marché a pourtant connu un fort développement ces dernières années. D'une vingtaine de magasins spécialisés en 2015, il est passé à environ 900 aujourd'hui, avec une croissance de 70% en 2018 et de 40% en 2019. En 2020, avec la crise sanitaire, la croissance s'est tassée à 8%. Les épiceries vrac, considérées comme «commerces essentiels», ont pu rester ouvertes et elles ont dû s'adapter aux protocoles sanitaires.
Dans une étude publiée en décembre, le panéliste NielsenIQ observe que 37% des foyers déclarent acheter du vrac, un chiffre en recul de 3 points par rapport à l'avant-crise, en décembre 2019. Avec la peur du virus, le fait de manipuler des produits sans emballages a pu refroidir les clients, estime Jean-François Orlando, spécialiste de la consommation chez NielsenIQ. Depuis le début de la crise, «les achats e-commerce, notamment en drive, ont aussi été très forts et ce n'est pas un circuit où le vrac a sa vocation d'être», ajoute-t-il.
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Alors que la filière espérait un retour à la normale cette année, le second semestre a été plus difficile. «Depuis la réouverture des restaurants, on a vu que les gens mangeaient beaucoup moins chez eux», témoigne auprès de l'AFP Laurine Darme, qui tient l'épicerie vrac Bocal & Co à Arles. «On se sent un peu impuissants», dit-elle, en ajoutant qu'elle a perdu environ 40 clients sur ses 120 clients quotidiens. La baisse de fréquentation est particulièrement importante dans les grandes villes.
«La nécessité de retourner au bureau a rajouté un temps de trajet de manière ultra-brutale, ce qui fait qu'une grande partie de notre clientèle a depuis la rentrée une grosse difficulté à maîtriser son temps quotidien», analyse Didier Onraita, fondateur de l'enseigne Day by Day, qui note un report vers des produits «tout prêts» et la livraison à domicile. Selon lui, le vrac subit une «panne» mais il ne s'agit pas d'un «retournement de marché». «Je pense que, progressivement, d'ici février-mars, on aura retrouvé une fréquentation presque normale», assure-t-il.
Mais il faudra pour la très jeune filière tenir le coup jusque-là. Réseau Vrac a ainsi alerté dans un courrier début décembre le ministère de la Transition écologique et lui demande de lancer une campagne de communication nationale pour inciter à acheter en vrac. L'association demande également au gouvernement des aides financières directes ou des reports de dettes pour accompagner les épiceries en difficulté.