Plus que des simples jeux vidéo en ligne gratuits, Roblox ou Fortnite sont devenus avec la pandémie des plateformes de divertissement prisées par les marques où les joueurs peuvent mener une vie parallèle, au point de bousculer l'hégémonie des réseaux sociaux.
Au-delà du fait d'avoir conquis des centaines de millions d'enfants et ados à travers le monde, quel est le point commun entre Roblox, «bac à sable» où l'on peut construire ses propres mini-jeux, et Fortnite, «battle royale» où il faut éliminer armes à la main les autres joueurs pour l'emporter?
«C'est le métavers», explique à l'AFP Julien Pillot, enseignant-chercheur à l'Inseec, spécialiste du numérique et des industries culturelles: concept élaboré en 1992 par Neal Stephenson dans le roman de science-fiction Le Samouraï virtuel, il s'agit d'un cyberespace parallèle à la réalité physique où une communauté d'utilisateurs sous forme d'avatars peut interagir, discuter ou encore se divertir.
Exemple le plus marquant: la série de cinq concerts virtuels fin avril dernier, en plein confinement, du rappeur américain Travis Scott, apparu sous forme d'avatar sur Fortnite, qui ont été suivis par plus de 12 millions de joueurs. Du jamais vu.
Fort de ce succès, le jeu qui rassemble 350 millions de gamers principalement âgés de 14 à 24 ans, a également lancé un festival de cinéma baptisé Short Nite ou encore Party Royale, une fête virtuelle géante animée par des DJs de renom.
«Surtout dans une époque comme maintenant, où se réunir physiquement est plus difficile, il est extrêmement important d'avoir ces expériences virtuelles. Nous pensons vraiment Fortnite comme une plateforme pour les expériences sociales connectées et pas seulement comme un jeu», explique à l'AFP Nate Nanzer, un dirigeant d'Epic Games, l'éditeur de Fortnite.
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Si parvenir à construire un métavers est une forme de Graal dans l'industrie du jeu vidéo, il ne s'agit pas d'une tentative inédite, selon l'expert Charles-Louis Planade, qui cite notamment l'exemple du jeu World of Warcraft sorti dans les années 2000.
«Ce qu'il y a de nouveau, c'est que ces jeux vidéo sont presque devenus un hub où jouer est l'une des activités proposées, mais pas la seule», souligne l'analyste financier chez TP ICAP. «C'est une tendance lourde accentuée par la pandémie.»
Pour Fortnite, Roblox et consorts, quel est le but recherché? Remporter la bataille de l'attention et fidéliser à tout prix leurs joueurs en créant en permanence l'événement, alors qu'ils se rémunèrent principalement via les microtransactions réalisées à l'intérieur de leur jeu.
Autre objectif: monétiser leur audience -150 millions de joueurs mensuels sur Roblox- en offrant aux marques une visibilité incomparable auprès de la cible jeune sans avoir «le côté intrusif de la publicité traditionnelle», souligne Julien Pillot.
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De Nike à Disney, qui avait fait la promotion du dernier épisode de Star Wars sur Roblox fin 2019, de nombreux annonceurs ont déjà sauté le pas.
Un modèle économique original qui a déjà séduit les investisseurs, à l'image de Roblox, valorisé à 46 milliards de dollars juste après son introduction à la Bourse de New York début mars. Soit quatre fois la capitalisation de l'éditeur français Ubisoft !
Suffisant pour bouleverser les codes des réseaux sociaux et rivaliser à terme avec les géants du secteur comme Facebook/Instagram, TikTok ou Snapchat?
«La clé d'entrée pour un jeu comme Fortnite, c'est que vous soyez gamer. Sur la masse des contrats publicitaires, vous ne battrez jamais un Facebook (2,8 milliards d'utilisateurs) qui s'adresse à tout le monde, aux jeunes et aux moins jeunes, aux CSP+ et aux CSP-. Vous ne pouvez pas lutter sur le même niveau d'audience», estime Julien Pillot.
«On y va en pleine ligne droite», pronostique a contrario l'analyste Charles-Louis Planade, citant comme exemple la disparition soudaine de MySpace, réseau social phare des années 2000. «Le jeu vidéo vit une accélération de son phénomène de démocratisation. Demain, tout le monde jouera aux jeux vidéo.»