Environnement
Entre 2018 et 2019, les mentions relatives à la mode durable chez les influenceurs ont augmenté de 55%. Des influenceurs «green» qui cherchent à éveiller les consciences et montrer que l’on peut se faire plaisir tout en préservant l'environnement.

[Dans le cadre du partenariat entre Stratégies et l'IEJ Paris, l'école de journalisme du groupe MediaSchool, certifiée par l'État, les étudiants du master presse écrite web ont réalisé une série de dix articles sur l'influence marketing.]

 

«Les actions individuelles ne servent pas à grand-chose si on ne passe pas à l'échelle collective.» C’est cet enseignement qu’a tiré Camille (@girl_go_green) de sa lecture du livre de Cyril Dion, Petit manuel de résistance contemporaine. L’instagrameuse, qui prône une «slow life», une philosophie de vie qui vise à reprendre possession de son emploi du temps en vivant au rythme des ressources de la planète, a alors décidé de se lancer sur les réseaux sociaux dans le but que son «message dépasse le simple cadre privé». Pour «inspirer des gens à faire pareil», explique-t-elle.

Comme Camille, de plus en plus de défenseurs de la planète prennent la parole sur les réseaux sociaux. Du maquillage jusqu’à l’alimentation en passant par la mode ou les produits ménagers… Chaque éco-influenceur a son cheval de bataille et a construit son identité virtuelle et sa notoriété sur cet engagement citoyen.

Un cible très présente sur les réseaux sociaux

Il faut dire que cette tendance séduit de plus en plus : selon les conclusions d'une étude menée par l'ObSoCo avec Cofidis, 42% des Français veulent désormais «consommer mieux», sous-entendu consommer des «produits vraiment utiles». Un souhait qui touche particulièrement les millennials, âgés de 18 à 25 ans (50%), les citadins (41%) et les cadres intermédiaires (36%) qui aspirent à une consommation plus responsable. Une catégorie de la population très présente et très active sur les réseaux sociaux à laquelle s’adressent les «éco-influenceurs».

C’est le cas de Chloé, 21 ans, étudiante en histoire à l’Institut Catholique de Paris qui cherche à s’inscrire dans cette démarche de «slow life». «J'essaye de limiter mes déchets et ma consommation en privilégiant des achats plus réfléchis et raisonnés. Par exemple, j'essaye de me laver les cheveux qu’une à deux fois par semaine, j'utilise des cotons réutilisables…» Chloé suit les conseils de @peau_neuve, l’une des influenceuses «green» les plus suivie avec 210 000 abonnés. Grâce à ces conseils, la jeune étudiante s’est rendue compte «qu'il existait vraiment des marques clean, bio, vegan à des prix abordables mais aussi que certains produits pour notre peau peuvent être de simples "ingrédients" qu'on trouve partout.» 

«Essayer d’éveiller et de conscientiser le plus de monde possible»: Benjamin Carboni, un «ancien comédien qui tente de faire de l’influence positive», en a fait son mantra. Le jeune influenceur de 28 ans a lancé il y a quatre ans le mouvement de ramassage des déchets Cleanwalker sur son compte instagram et sa chaîne YouTube. «Je vivais à Paris, et je me suis rendu compte que ma rue était jonchée de déchets. Je me suis aperçu que le problème dépassait Paris. [...] J’essaye de transmettre des informations qui me semblent essentielles et montrer des actes que chacun peut faire assez simplement en tant que citoyen.» Aujourd’hui, son mouvement s’est étendu dans 24 villes françaises et cela, grâce au porte-voix que représentent les réseaux sociaux qu’il voit comme un «moyen de communication moderne, d’échange et un lieu de création.» Une vision qu’il partage avec Camille de @girl_go_green. Celle-ci complète : «On met à profit cet outil au service d’une bonne cause en la rendant désirable et attrayante. Mon but c’est de montrer qu’un mode de vie slow life, de déconsommation c’est faisable. On a tous un rôle à jouer, nous on est là pour faire bouger les lignes.»

Le virage de l'économie verte

Le rôle des influenceurs dans notre manière de consommer n’est aujourd’hui plus à prouver. Selon une étude réalisée par Rakuten Marketing, 86% des Français affirment avoir déjà acheté un produit recommandé par un influenceur. «L’influenceur est proche de ses abonnés. Ils ont confiance en lui donc ils se disent que s'il fait confiance à une marque c’est que eux aussi peuvent avoir confiance», analyse Claire Suco, fondatrice de Meuf Paris. À l’heure actuelle, elle accorde 70% du budget de son plan de communication aux influenceurs pour promouvoir sa marque de vêtements éthiques fabriqués à partir de coton biologique. «C’est le moyen moderne pour se faire connaître. En plus, on essaie de sensibiliser d’autres publics pour ne pas s’adresser qu’à des connaisseurs, sinon on ne pourra pas démocratiser l'écoresponsabilité», commente-t-elle. 

Un virage vers une économie plus verte que de nombreuses start-up sont en train de prendre. C’est pourquoi, Solène Dupuy de la Grandrive, a créé sa propre agence spécialisée en marketing d'influence «éthique», So’Influence, par laquelle elle souhaite accompagner et faire connaître ces entreprises grâce à son «réseau d’influenceurs engagés qui défendent une meilleure consommation»«Je souhaitais participer à cette évolution des mentalités en créant une agence qui prône un marketing d’influence éthique et responsable», nous dit-elle. Elle espère que la démocratisation de ce type d’influence va «inciter les marques à faire mieux et à se remettre en question.»

«Toutes les entreprises savent qu’elles doivent changer mais sans vraiment savoir comment», analyse Benjamin Carboni qui, à côté de son activité d’influenceur, est également conseiller environnemental pour les entreprises.

Greenwashing

 «Toutes les marques doivent se mettre au vert mais c’est avant tout un argument marketing», affirme le professeur à HEC Ludovic François, spécialiste de la communication d’influence. Il fait écho à la pratique du greenwashing adoptée par certaines entreprises pour se donner une image plus verte en se servant plus de l’écologique comme d’un levier marketing, sans réel engagement : «Une entreprise est une entité amorale dont la finalité est de gagner de l’argent. Aujourd’hui, dans les variables, pour prospérer il faut avoir une légitimité sociale. Pour l’obtenir, il va falloir avoir un certain nombre d'arguments. Par exemple, agir pour la planète.»

Sophie Pelvet Lesne, directrice marketing de Sodastream France le reconnaît bien volontiers : «Les entreprises ne sont pas parfaites !». Pour elle, «ce qui est important, c’est la direction que prennent les entreprises. Il faut les laisser s’exprimer sur leurs pistes de progrès. Elles s’engagent parce que les attentes des consommateurs ont évolué et un mouvement positif est en train d’être initié.» Sodastream s’est ainsi engagée dans la lutte contre le plastique à usage unique. Un combat qui «fait partie de son ADN» [Sodastream vend une machine pour fabriquer soi-même des sodas et ainsi limiter la consommation de bouteilles en plastique], sur lequel elle tente de sensibiliser les consommateurs par le biais d’actions concrètes comme la fermeture de son site web et de son siège le 20 septembre 2019 à l’occasion de la grève pour le climat et par le soutien qu’elle apporte aux acteurs de cette lutte à l’image de l’association No Plastic In My Sea. «Nous avons la conviction, chez Sodastream, que la transition écologique passera par des solutions simples qui allient plaisir et responsabilité tout en ayant un gros impact.» 

Ludovic François tient tout de même à rappeler que «la conscience écologique des consommateurs est une approche de riches. La Covid va causer une très grande précarité. Et le bien du monde, ce n’est plus la préoccupation des personnes dans cette situation.» L’influenceuse Coline a d'ailleurs consacré une vidéo à cette question de société sur sa chaîne YouTube. Un phénomène observé dans l’étude de l'ObSoCo puisque pour 79% des Français interrogés, «consommer mieux» est plus coûteux.

 

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