Tirer à l’arc fait-il de vous une flèche ? C’est l’un des messages véhiculés par la campagne de rentrée de la Fédération française de tir à l’arc, conçue par l’agence de communication Family Sport Agency. Sortie mi-août et déployée jusqu’au 15 septembre en presse, radio, télévision et digital, celle-ci met en scène une petite fille qui tire, concentrée, sur une cible invisible. Un visuel assorti de la mention « Je suis une flèche ». « Nous avons hésité à faire une campagne orientée sur le risque sanitaire mais nous n’avons pas choisi cet axe parce qu’il ne faut pas en rajouter. C’est intégré dans l’argumentation mais ce n’est pas l’angle de la création, consistant à dire que le tir à l’arc est un vrai sport, donnant confiance en soi », livre Loïc Mouquet, directeur général de l’agence. Si le dispositif, qui cible les 7-14 ans et leurs familles, montre que c’est un sport individuel et qui se pratique en plein air, deux facteurs limitant le risque de tomber malade, ce n’est pas non plus sa ligne directrice…
Cette opération symbolise une idée partagée par les professionnels de la communication : non, le Covid-19 n’a pas changé fondamentalement la façon de communiquer pour les marques qui vendent des produits à destination des enfants. Comme les marques généralistes, elles ont dû revoir leur stratégie après le choc, faire preuve de souplesse pour adapter leurs actions marketing, renoncer à leurs événements et imaginer des alternatives pour rester visibles… Tout en ayant, en parallèle, des problèmes spécifiques à résoudre. Difficile, par exemple, de toucher les très jeunes à travers le digital, canal privilégié partout ailleurs à l’heure de la distanciation sociale. « Les marques pour les 4-8 ans ont perdu le lien avec les plus jeunes, moins équipés que leurs aînés. Un lien qu’elles ont traditionnellement via les magasins ou via l’école, où ils voient leurs copains », illustre Coralie Damay, directrice du laboratoire de recherche chez ISC Paris, école de commerce et management.
Partage de cours
Ne pas changer du tout au tout ne signifie pas non plus faire comme s’il ne s’était rien passé. En premier lieu, les marques enfants ont participé à l’élan de solidarité né pendant le confinement, à l’instar de Crayola, qui a mené une campagne sur les réseaux sociaux pour partager les dessins des enfants avec les grands-parents, le personnel soignant, les agents publics. De son côté, Oxford a remis en avant son application Scribzee, sortie en 2017 et adaptée dans un contexte de cours à la maison puisqu’elle permet de numériser ses prises de notes. « Nous avons mis en ligne des modèles de feuilles numérisables à télécharger », dépeint Christophe Girard, directeur marketing chez Hamelin, groupe détenant la marque Oxford. De quoi notamment faciliter le partage de cours entre élèves.
Les marques ont aussi participé à l’explication des gestes barrière auprès des plus jeunes. C’est le cas du studio d’animation Millimages, qui l’a fait à travers le lapin Molang, personnage star de dessin animé. Elles ont surtout aidé les parents à occuper leurs enfants pendant le confinement. Tutoriels, vidéos DIY (Do it yourself), conseils et astuces ont fleuri. Maped, via le site Mapiwee, ou encore Oxybul éveil et jeux, via sa page Facebook, ont toutes deux proposé des idées d’activités pour les enfants. « Cela a rapproché les marques des familles », analyse Coralie Damay.
Faciliter le quotidien
Ce positionnement reste d’actualité alors que les petits s’apprêtent à reprendre le chemin de l’école. « Les marques gagnantes de la rentrée seront celles qui auront facilité le quotidien des parents via le relationnel », commente Roxane Rose, CEO de l’agence de communication RP Com&Kids. Autrement dit, en interagissant via les réseaux sociaux par exemple, où les lives à destination des parents ont explosé. Autre parti pris : « Lorsque l’on s’adresse aux enfants, aux familles, c’est avec un discours d’accompagnement, de réassurance, développe l’experte. Il s’agit pour la marque d’accompagner, d’être présente. Le contexte actuel ne change pas grand-chose sauf à être encore plus dans le relationnel. »
Les marques ne semblent pas non plus avoir davantage parlé d’écologie et d’engagement. Il faut dire que la thématique était déjà présente dans la communication de beaucoup de marques enfants. « Les marques n’ont pas attendu pour intégrer l’écologie dans leur discours », insiste Roxane Rose. « Nous agissions déjà de façon responsable, abonde Christophe Girard chez Oxford. Par exemple, nos produits sont issus de forêts gérées durablement, le label NF Environnement a été développé sous l’impulsion de Hamelin et Oxford. » Les marques avaient déjà, en parallèle, entamé des efforts au niveau des emballages, pour les jouets par exemple. « Pour certaines, les packagings sont de plus en plus petits, avec moins de gâchis, moins de cartons, et comportent des consignes sur le tri, explique Laurence Lecerf, directrice de l’agence de relations presse, RP et communication L & L. Ce n’est pas connecté directement à la crise. Cela s’inscrit dans une tendance globale. »
De fait, la communication des marques à la rentrée s’annonce sans bouleversement majeur. « Les marques sont un peu en standby car on ne sait pas comment va se passer le second semestre. Beaucoup de budgets sont décalés en digital, donc pas forcément auprès des enfants », décrit Roxane Rose. « Pas de changement sur la thématique de la rentrée. Sur le fond, nous avions déjà pour objectif de promouvoir un cahier lancé en 2018 », explique Christophe Girard chez Oxford, pour qui la rentrée est une période cruciale, puisque la majorité des dépenses en communication sont opérées entre le 15 août et le 15 septembre. Comme ce spécialiste de la papeterie, les marques sont aujourd’hui dans les starting blocks.
Anne Besson, directrice marketing France, Espagne et Portugal de Lego
« Développer les bâtisseurs de demain »
Comment avez-vous communiqué pendant le confinement ?
Pendant le confinement, nous étions en campagne de communication. Nous avons décidé de maintenir l’enveloppe totale de nos investissements sur l’année mais de réajuster entre le court terme et la fin d’année. Nous avons conservé nos investissements, notre prise de parole, nos contenus, mais décalé certaines communications plus larges, notamment une prise de parole en TV à partir de septembre.
Avec le Covid-19, avez-vous changé quelque chose à vos messages sur le fond ?
La marque Lego a pour vocation de développer les bâtisseurs de demain. Nous accompagnons les enfants dans la créativité, l’imagination. Nous avons renforcé ces valeurs. Nous avons lancé une campagne de marque « Let’s build together », créée en interne par The Lego Agency et sortie en avril au niveau mondial. Cette campagne, c’est l’idée de construction, de challenge. Plusieurs fois par semaine, il y avait de nouveaux défis. Cette campagne [devait] basculer [mi-juillet] vers une nouvelle campagne d’été et de rentrée des classes, toujours autour de l’éducation.
En quoi consiste cette campagne de rentrée ?
Il y a plusieurs éléments que l’on va renforcer à la rentrée, à commencer par nos budgets. Nos investissements publicitaires vont augmenter de 20 % jusqu’à la fin de l’année, par rapport à 2019. Nous augmentons également la part du digital et du e-commerce. Côté publicitaire, nous aurons une campagne de marque « Rebuild the world » de fin septembre à la fin de l’année, accompagnée d’une communication auprès des enfants, notamment sur l’actualité produit. Notre innovation est Lego Super Mario.
Les nouveaux enjeux sanitaires et de responsabilité n’entrent-ils pas en ligne de compte ?
La qualité, le « caring » font partie des valeurs de Lego. Et nous n’avons pas attendu la crise pour parler du côté durable. Le groupe s’engage en matière sociétale et environnementale. Par exemple, nous proposons des briques 100 % recyclées. Lego a investi plus de 130 millions d’euros pour développer l’éco-responsabilité.