Dossier 100 % utile
Pour les marques, le désir d’être utiles doit désormais, plus que jamais, se traduire au-delà des discours. Nous avons choisi huit initiatives visant à démontrer, dans les faits, l’engagement social et sociétal de celles qui en sont à l’origine.

LVMH avec son gel hydroalcoolique, Decathlon avec ses masques de plongée : ces deux entreprises ont fait figure de symboles au plus fort de la crise sanitaire. Des symboles vus positivement par les Français, selon une étude CSA réalisée en ligne du 2 au 6 avril. « Interrogés sur l’initiative d’entreprise qu’ils ont le plus appréciée, les Français citent d’abord Decathlon, (…) toujours LVMH mais aussi PSA avec la production de respirateurs artificiels et la Maif avec le remboursement d’une partie des cotisations à ses sociétaires », relève l’institut d’études. Par ailleurs, selon le baromètre Marques et marketeurs en temps de crise de l’Union des marques, dont la première partie a été dévoilée le 20 avril, 67 % des marketeurs comptaient privilégier comme registre de communication en sortie de crise l’utilité de la marque dans le quotidien du consommateur ; seul l’engagement social et environnemental de l’entreprise, cité par 75 % des répondants, arrive devant. « Pour les deux tiers des répondants, il leur faudra également rassurer les consommateurs sur l’utilité de leurs marques », appuie l’Union des marques. Et cela passera, en premier lieu, par des faits concrets pour le prouver.

 

Santé

JCDecaux met à disposition du gel hydroalcoolique

L’initiative : Depuis la fin du confinement, JCDecaux a commencé à installer des distributeurs de solution hydroalcoolique sur les abribus et les sanisettes de Paris. 2000 bornes de ce genre devaient être déployées à fin juin. Trois abris-voyageurs sur quatre seront concernés. Pour ce projet qui répond à une demande de la ville de Paris, JCDecaux a conçu les distributeurs avec un bureau d’étude interne, ses directions des designs et des achats ; le designer Patrick Jouin a également apporté son concours (lire son portrait dans Stratégies n°2041). L’afficheur a réalisé des tests anti-vandalisme et de résistance au feu. Il se charge d’assembler et de déployer les distributeurs, et en assure l’approvisionnement, l’entretien et la maintenance. Ces équipements ont vocation à rester tant qu’il y aura des besoins en termes de santé publique et pourraient être déployés ailleurs en France. Au-delà, les villes de Madrid, Milan et Hambourg ont également passé commande pour équiper leurs abribus. C’est le cas aussi pour l’aéroport de Milan Malpensa. En parallèle, la mise en œuvre d’autres solutions pour sécuriser l’espace urbain est en réflexion.

Degré de sincérité « Notre vocation est de proposer des services aux citoyens et aux collectivités afin d’améliorer durablement la vie en ville », rappelle Jean-Dominique Hietin, directeur régional Paris chez JCDecaux. L’un des plus récents exemples en date de cet engagement est un abribus dépolluant. « Dans ce contexte sanitaire sans précédent, notre volonté est d’être au plus près des communes en leur apportant des services nouveaux pour accompagner le déconfinement », complète-t-il.   



Social

C’est qui le Patron ?! pérennise la solidarité financière  

L’initiative : Pâtes, farine, lait… Les produits de première nécessité se sont arrachés en magasin durant le confinement. C’est qui le Patron ?! [CQLP] en a bénéficié, comme de nombreuses autres marques. Mais elle, par solidarité, a décidé de reverser les gains additionnels liés à cette progression des ventes à des personnes et commerces en difficulté, via un fonds de soutien créé début avril. En deux mois environ, 300 000 euros ont ainsi été redistribués à 180 bénéficiaires. Une générosité qui s’inscrit dans une démarche plus globale car « CQLP ?! » ne s’arrête pas là. Dès le début de l'opération, elle a invité les entreprises qui le souhaitent à rejoindre ce fonds. Cinq, dont le géant Carrefour, l’avaient fait début juin. Enfin, elle consacrera désormais, de façon durable, 1 % de ses revenus aux personnes dans le besoin et, là encore, la marque propose aux entreprises de faire de même en choisissant le montant reversé. « Le projet a vocation à récupérer des fonds plutôt indexés sur le modèle même des entreprises et des fabricants », explique Nicolas Chabanne, fondateur de C’est qui le Patron ?!, qui prône le partage comme valeur essentielle et la mise en œuvre de nouveaux modèles. Les montants collectés pourraient atteindre à fin juin le million d’euros.

Degré de sincérité : Basée sur un modèle coopératif, C’est qui le Patron !? a été créée pour rémunérer les producteurs au prix juste. Inscrit dans cette démarche initiale, le fonds est administré en interne et une transparence est organisée pour attester de la bonne utilisation des dons, via la publication, sur le site de la marque, de vidéos sur les bénéficiaires. Au final, « il s’agit de recréer une forme d’équilibre », conclut Nicolas Chabanne.



Mobilité

Gens d’Événement encourage la pratique du vélo

L’initiative : Dans le monde d’avant, les voitures étaient reines. L’opération lancée au sortir du confinement par Gens d’Événement, agence événementielle nantaise, souhaite faire évoluer les choses. Via le collectif Bam!, fondé fin 2019 avec le consultant Julien Dossier, l’agence a, durant les mois de mai et juin, encouragé la pratique du vélo via une initiative baptisée « Tous en selle ! ». Vu comme le « geste barrière idéal », le vélo conjugue « respect de la distanciation automatique, reprise d’une activité physique après des semaines d’immobilité, fluidité et rapidité de circulation sans bouchon ! », indique la page Facebook de l’opération, menée avec l’association Place au vélo et Nantes Métropole. Concrètement, plusieurs actions ont vu le jour dans les rues de la ville : déambulation de vélos-cargos événementiels, organisation d’un atelier de diagnostic, installation d’une piste d’apprentissage pour les enfants... L'opération se décline aussi en ligne avec, par exemple, des tutoriels de réparation de vélo dispensés sur Zoom.

Degré de sincérité : Cette opération est la première lancée par le collectif Bam!. Celui-ci vise désormais à mettre en œuvre, avec des partenaires publics, privés, associatifs ou citoyens, d’autres initiatives pour favoriser les changements de comportements en matière d’alimentation, de mobilité, d’habitat ou encore de modes de travail, afin de contribuer à la transition écologique. Il le fera au travers de ce que l’agence appelle des Bam!, des boîtes à mieux, des outils dédiés (épicerie mobile zéro déchet, boutique éphémère, composteur partagé…). La prochaine opération, conçue autour du bien-manger et à destination des étudiants, se tiendra en septembre.

 

Entraide

Feed organise une solidarité durable

L’initiative : Fournisseur de barres et boissons-repas, Feed fait partie de ces entreprises qui se sont illustrées pendant le confinement en faisant des dons au personnel soignant. En près de deux mois, plus de 200 000 repas ont ainsi été offerts. En parallèle, Anthony Bourbon, son fondateur, participe à l’initiative « Protège ton soignant », ayant permis de collecter des dons également à destination des soignants. Le confinement terminé, l’engagement de Feed se poursuit. En partenariat avec la plateforme Student Pop, la PME soutient depuis le mois de mai l’association Du Beurre dans leurs épinards, qui vient en aide aux étudiants précaires en leur fournissant des paniers de produits de première nécessité. Pour garnir ces paniers, un millier de produits Feed avait, début juin, été distribués. « Nous continuerons d'être engagés même une fois la crise terminée à travers de la dotation régulière de produits à des associations ou à des causes », assure-t-on à la communication de l’entreprise.

Degré de sincérité : Au-delà de cette solidarité envers les hôpitaux puis les étudiants, Feed, fondée en 2017, n’a pas attendu la crise pour faire la démonstration de son utilité envers d’autres publics. Elle a pour cela, en septembre 2019, créé un fonds de dotation dont l’objectif est de « soutenir des jeunes motivés, ambitieux, déterminés, venus de tout horizon, quel que soit le milieu, le niveau d’étude ou la situation financière (…) dans la réalisation de leurs projets professionnels ou personnels (artistique, entrepreneurial, sportif…) », détaille un communiqué. Pour cela, ce fonds, baptisé Feed.back, donne accès à des financements et à un accompagnement par des experts. Pour l’heure, deux projets ont déjà été soutenus.

 

Local

Masterbox crée un collectif de soutien à l’artisanat

L’initiative : Elle les appelle ses « Jean-Pierre Pernaut 2.0 ». Start-up spécialisée dans les coffrets cadeaux constitués de produits d’artisans et créateurs français, Masterbox a lancé après le confinement un collectif destiné à défendre ces professionnels. L’idée : rassembler des consommateurs engagés pour l’artisanat - d’où la comparaison avec le présentateur de TF1 - qui, via le bouche-à-oreille, soutiennent les artisans en mauvaise posture suite à la fermeture des marchés et boutiques spécialisées. « À la suite du confinement, les artisans ont très rapidement tiré la sonnette d’alarme. Nous étions leur dernière source de revenus », défend Vincent Naigeon, fondateur de Masterbox. La mission du collectif est simple : faire la promotion des produits, voter pour ceux à intégrer et les coffrets à développer, participer aux rencontres avec les artisans… Début juin, 500 personnes avaient rejoint le groupe. En quelques semaines, les ventes explosent : +500 % de croissance entre mars et avril. Un record également dû à des investissements sur Facebook et Google - une pratique habituelle pour la start-up mais dont, à ce moment-là, l’efficacité explose. Les ventes ont cru encore de 16 % entre avril et mai. « Signe que la tendance se maintient », estime l’entrepreneur, alors que consommer local semble n’avoir jamais été autant d’actualité.

Degré de sincérité : La volonté de soutenir l’artisanat a guidé la création en 2018 de l’entreprise, qui compte aujourd’hui six personnes, pour un chiffre d'affaires de 650 000 euros en 2019. La communauté apparaît au cœur du modèle de celle qui, née suite à une levée de fonds participative, compte 25 actionnaires. Pour chaque coffret vendu, Masterbox reverse 70 % à l’artisan et 20 % au distributeur.  



B to B

La Poste lance une plateforme de commandes de masques pour les entreprises

L’initiative : Tandis que les entreprises cherchent, post-confinement, à se fournir en masques à destination de leurs collaborateurs, La Poste a lancé, le 2 mai, une plateforme de commande orientée vers les TPE et PME. Un projet initié par la DGE (Direction générale des entreprises) du ministère de l’Economie et des Finances avec les CCI (Chambre de commerce et d’industrie), CMA (Chambres de métiers et de l’artisanat) et Chambres d’agriculture, dans lequel La Poste a une double mission : développer la plateforme et en assurer la gestion quotidienne, et assurer les commandes, l’expédition, l’acheminement et la livraison des produits. En un mois, plus de 50 000 entreprises ont commandé 1,8 million de masques. Dotée au démarrage de dix millions d’unités, la plateforme durera tant qu’il y aura des besoins. Au départ accessible aux TPE-PME de moins de 50 salariés rattachées aux CCI et CMA, elle a été progressivement ouverte aux associations, micro-entrepreneurs, professions libérales et agricoles ainsi qu’aux PME de plus de 50 salariés.

Degré de sincérité : Si le projet a été lancé par le ministère, La Poste le porte au quotidien. Et ce n’est pas la seule initiative à mettre à son actif. Par exemple, pendant le confinement, elle a déployé un dispositif visant à livrer par courrier postal leurs devoirs aux élèves éloignés du numérique, un projet en lien avec les ministères de l’Éducation nationale et de l’Agriculture. Sur un autre plan, elle a rendu gratuit, fin mars et au moins jusqu’au 10 juillet, son service de visite au domicile des personnes âgées assuré par les facteurs.

 

Proximité

BlaBlaCar imagine BlaBlaHelp, une appli d’entraide

L’initiative : S’entraider entre voisins. Voilà ce que permet l’application BlaBlaHelp, lancée par BlaBlaCar le 16 avril en plein confinement et qui n’aurait pas, pour le moment, vocation à disparaître. Gratuite, elle met en relation des personnes ayant besoin d’aide pour faire leurs courses et des volontaires bénévoles prêts à les soutenir. « Notre activité traditionnelle était à l’arrêt. Nous souhaitions utiliser nos ressources techniques pour faire quelque chose d’utile pendant la période », relate-t-on au sein du champion du covoiturage. L’application est imaginée lors d’un hackaton interne au cours duquel une cinquantaine de collaborateurs et de membres de la communauté imaginent des moyens de lutter contre le virus. En plus de l’application, un site web est également mis sur pied, où une carte interactive permet - comme via l’application - de repérer près de chez soi les bénévoles, identifiés par leur profil BlaBlaCar. En un mois et demi environ, 30 000 « helpers » ont rejoint l’application, imaginée en France et également accessible dans d’autres pays. Encore active à ce jour même si le confinement a pris fin, elle pourrait, par la suite, continuer d’exister d’une autre manière.

Degré de sincérité : BlaBlaCar, qui revendique une communauté de plus de 17 millions de personnes, repose sur l’entraide lors de déplacements. « La communauté compte déjà 2 000 “BlaBlaHelpers”, des utilisateurs engagés qui aident les autres membres à utiliser le service de covoiturage, expose l’entreprise sur son site. La nouvelle application BlaBlaHelp s’inscrit dans cet historique d’entraide et étend la manière dont les membres pourront se venir en aide durant cette crise. »

 

Business

Veuve Clicquot ouvre un programme pour les entrepreneuses

L’initiative : Avec le collectif Sista, qui oeuvre pour plus de mixité dans le numérique, Veuve Clicquot a lancé, mi-mai, un programme de mentorat à destination des femmes entrepreneuses. Une centaine d’experts (Nathalie Balla, Chrystèle Gimaret, Fleur Pellerin, Sarah Poniatowski…) sont ainsi mobilisés pour les accompagner sur différentes problématiques relatives à la trésorerie, l’organisation, les RH, le marketing… Appuyé sur une plateforme baptisée Sista x Bold, le programme est accessible gratuitement à toutes les femmes quel que soit leur profil ou leur secteur d’activité, pourvu que leur start-up ait au moins un an d’existence. Des discussions étaient en cours avant la crise avec le collectif Sista - l’idée n’avait pas encore émergé - et c’est la nécessité de réagir à l’urgence qui a entraîné la création de ce programme, imaginé et déployé avec l’agence Elan Edelman. « Avec Tatiana Jama et Céline Lazorthes [fondatrices de Sista, ndlr], nous nous étions rencontrées avant. Nous avions commencé à réfléchir. Nous ne pouvions pas ne rien faire au moment où ces femmes avaient le plus besoin de nous », explique Carole Bildé, directrice marketing et communication monde de Veuve Clicquot. En quinze jours, le programme a rassemblé 250 inscrites. Le projet devrait durer au moins un an. Il n’est pas exclu qu’il soit étendu à d’autres pays.   

Degré de sincérité : Bien que ce programme soit né pendant la crise, la maison de champagne du groupe LVMH est engagée de longue date pour l’entrepreneuriat féminin, à travers, notamment, le prix Bold Woman Award. Son réseau, international, est en partie constitué d'anciennes lauréates.

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