Communication
Avec le lancement d’une gamme en aluminium recyclé à 80% assortie d’une campagne pour le faire savoir, Nespresso fait coup double. La marque tord le cou à sa mauvaise réputation tout en bâtissant une nouvelle barrière concurrentielle.

Qui l’eût cru ? Nespresso, tancé depuis des années quant à l’impact environnemental des capsules de café lui ayant permis de bâtir son empire, serait-il en passe de devenir un modèle du genre ? C’est en tout cas le message de la vaste campagne internationale déclinée dans un premier temps en France afin d’annoncer une nouvelle d’importance. L’arrivée dans les machines d’une première gamme de capsules composées à 80% d’aluminium recyclé, « une norme qui doit être étendue à l’ensemble des gammes grand public d’ici à la fin de l’année 2021 », ajoute Nathalie Gonzalez, directrice marketing et communication France, à propos de ce virage stratégique de nature à rebattre les cartes d’un marché mondial où l’Hexagone fait figure de bon client. Outre son importance pour la marque du groupe Nestlé, la France est aussi devenue le deuxième marché majeur pour le café en dosettes derrière les États-Unis, selon Euromonitor.

« Nous nous remettons constamment en question pour améliorer la durabilité et la circularité de nos opérations, y compris la façon dont nous nous procurons, utilisons et recyclons les matériaux. Atteindre 80% d'aluminium recyclé dans nos capsules est une étape importante. Nous avons travaillé dur pour y parvenir », reprend Nathalie Gonzalez, en référence au travail de recherche et à la lourde mue de l’outil de production effectuée pour arriver à un tel résultat. « Ce changement s’accompagne d’une réduction de la quantité d’aluminium à hauteur de 9,2% par capsule tandis que le poids est réduit de 8% », complète-t-elle au sujet de cette démarche et d’une campagne affichage et papier (presse et digital) qui entend tordre définitivement le cou à certaines idées reçues. Objectif : mettre en lumière les engagements de l’entreprise en matière d’écoresponsabilité, en témoignent notamment les 176 millions d'euros investis depuis 2014 dans les programmes de recyclage.

Matière noble

« C’est probablement la campagne la plus simple et la plus essentielle qu’on ait déployée jusque-là. On a longtemps souffert du procès qui est fait aux produits portionnés. Mais la réalité, c’est que notre café est une matière noble qui doit être parfaitement protégée et qu’il n’existe pas d’alternative à l’aluminium, fort heureusement recyclable à l’infini. De la même manière, peu le savent, mais Nespresso travaille de longue date pour améliorer la durabilité de ses machines. Et c’est également grâce à la marque – et à d’autres comme Citeo – que 30% des Français ont désormais accès au recyclage des capsules directement via les bacs de tri et que 50% devraient y avoir accès en 2022. Sans même parler des milliers de points de collecte qui ont été mis en place. Il existe un écart abyssal entre les actions de la marque en termes d’écoresponsabilité et la perception qu’en ont encore certains », déplore-t-elle.

« Tout le monde est conscient de cette tension – ou plutôt cette incompréhension – qui existe entre la marque et une partie du public », appuie Sébastien Boutebel, directeur de la création chez McCann Paris, pour qui cette campagne produite en étroite collaboration avec McCann New York devrait permettre de rétablir une forme de vérité. « Nous nous sommes appuyés sur l’iconicité des produits ainsi que sur des preuves chiffrées et donc irréfutables tout en restant fidèles à l’état d’esprit épuré de la marque », analyse le créatif. « Le but était de conserver ce trait d’humour qui caractérise les prises de parole de Nespresso », corrobore la directrice marketing et communication. Un argumentaire suffisant pour convaincre le consommateur, alors que la première salve quelques mois plus tôt – un mini-film impliquant pourtant George Clooney – n’a « probablement pas suffi », comme le reconnaît Nathalie Gonzalez ?

« C’est une démarche intéressante de la part de Nespresso, dans un contexte où les marques ont plus que jamais un devoir d’engagement vis-à-vis des clients et des citoyens. On sait que la légitimité d’un modèle comme la dose unitaire de café fera toujours des irréconciliables, même associé à une promesse de qualité. Mais à partir du moment où ce débat est dépassé et que la marque assume son impact et son modèle en visant la neutralité carbone et en accompagnant les producteurs, c’est une forme de garantie consommateur », relève Olivier Classiot, cofondateur du cabinet de conseil Des Enjeux et des Hommes, spécialisé dans les stratégies en développement durable et RSE. « Il y a par ailleurs un côté pédagogique qui consiste à se servir de la notoriété de la marque pour faire avancer certains sujets comme le recyclage, pour lequel il reste beaucoup à faire en France. Néanmoins, il va falloir tenir toutes ces promesses dans la durée et continuer en ce sens sous peine de faire naître un risque de déception et même de désengagement », rappelle ce dernier.

Nouvelle concurrence

Autre écueil à surveiller pour la marque de café : le prix à payer pour une consommation plus écoresponsable. « Dans le contexte actuel et au regard de la crise qui s’annonce, il est certain que ce choix sera clivant économiquement. Néanmoins, au regard du cœur de cible de la marque – à la fois urbain, aisé et sensible à l’environnement – et au positionnement premium de la marque, le calcul semble juste », jauge Philippe Jourdan, CEO de Promise Consulting, pour qui la stratégie adoptée par Nespresso est claire. Dans la mesure où la marque, protégée par ses brevets jusqu'en 2011, a perdu son monopole, « elle déplace le débat sur un terrain où elle sait que ses concurrents directs, les marques de distributeurs en tête, ne pourront pas rivaliser. Un tel virage suppose des investissements massifs que ceux-ci ne peuvent pas se permettre actuellement. Il s’agit ni plus ni moins que de créer une nouvelle barrière stratégique concurrentielle à l’entrée tout en restant cohérent vis-à-vis de son positionnement marketing et de sa cible », conclut-il. What else ?

Chiffres clés

47 Nombre de boutiques en France (1400 collaborateurs dans l’Hexagone).

84 Nombre de pays dans lesquels Nespresso est présent (14 250 collaborateurs et un réseau de 810 boutiques au total).

5 millions d’euros Investissements annuels de Nespresso France dans le recyclage de ses capsules.

30% Part des Français pouvant mettre leurs capsules en aluminium directement dans leur poubelle de recyclage (ils devraient être 50% en 2022).

80% Part d’aluminium recyclé dans les capsules nouvellement lancées par l’entreprise, qui ambitionne de fabriquer avec cet alliage toutes ses gammes grand public d’ici à fin 2021.

1,33 milliard d’euros Total des ventes de cafés en dosettes en France en 2018 (soit +46% en cinq ans), dont 405 millions rien que pour les capsules compatibles Nespresso, selon l'institut IRI.

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