Dossier Ad tech
Efficacité rime avec messages bien ciblés. Directrice audiences et stratégie de distribution des contenus chez Disneyland Paris, Stéphanie Sabourin explique comment la question se pose pour l’entreprise, qui parie notamment sur la télévision et le programmatique pour démultiplier l’impact de ses campagnes.

Comment la question de l’efficacité se pose-t-elle à vous aujourd’hui ?

Stéphanie Sabourin : La question s’est toujours posée, mais, aujourd’hui, nous avons davantage de datas pour optimiser l’efficacité. Celle-ci se situe à tous les niveaux, du branding à la conversion. En parallèle, il y a une multiplication des points de contact et des messages. Cela donne beaucoup d’informations pour piloter l’efficacité mais cela la rend aussi plus complexe.

L’efficacité est en rapport avec plusieurs notions. La réduction des coûts, en particulier, reste d’actualité. Elle doit être intelligente. Les coûts ne sont pas mis en relation uniquement avec des KPI média de première lecture (impressions…) mais aussi avec le trafic sur le site, les ventes, l’attention… Nos critères sont plus multiples qu’avant, où nous regardions simplement des éléments comme la notoriété.



Quels médias privilégiez-vous et comment réalisez-vous vos arbitrages en la matière ?

50 % de nos budgets vont en télévision, quasiment tout le reste en digital. En Ile-de-France, nous faisons aussi de l’affichage et de la radio. Sur les audiences larges (familles avec enfants), le média le plus efficace en termes de business est le média TV. C’est aussi ce qui permet vraiment de faire bouger les chiffres en termes de notoriété, d’image ou de désirabilité. Cependant, on sait que l’audience télé s’érode, donc nous complétons avec de la vidéo online et d’autres points de contact digitaux, avec des objectifs différents comme mesurer le trafic sur notre site.

Sur la synergie télé et vidéo online, il nous manque des mesures, tant au niveau européen que français. Nous contournons la difficulté en travaillant avec des outils dont disposent les agences pour essayer d’évaluer des complémentarités, mais celles-ci demeurent théoriques. Des études, il y en a, mais ce qu’elles apportent n’est pas suffisant, il faut des outils d’optimisation média qui intègrent vidéo et télé, les deux écrans clés.

En digital, nous avions beaucoup réduit le display classique (bannières…) à une époque. Que ce soit pour générer du trafic sur le site ou des revenus, notre façon de faire n’était pas efficace. Nous utilisons désormais le display sur des audiences plus pointues. C’est devenu efficient parce que nous avons travaillé sur des audiences beaucoup plus granulaires. Nous avons aussi beaucoup augmenté le programmatique (private auction, preferred deals et guaranteed deals). 90 % de ce que nous faisons en digital est programmatique. En parallèle, nous avons développé l’utilisation des médias sociaux pour driver du trafic sur le site.



Quels indicateurs de performance regardez-vous davantage aujourd’hui ?

Sur le programmatique, nous sommes en train d’évoluer vers des KPI qui nous sont propres. Ceux du MRC ou de l’IAB [organismes qui fixent les standards en matière de publicité digitale, ndlr], à savoir notamment l’exigence que 50 % de la bannière soit vu au moins une seconde, ne nous semblent pas suffisants. Nous, nous allons regarder le fait que 75 % de la bannière soit vue a minima 4 secondes. Pareil pour la vidéo (75 % du player vu a minima 4 secondes). Mais pour optimiser les campagnes, nous regardons en priorité les vidéos vues à 100 %.

Les audiences sont sur-sollicitées. Il ne s’agit pas uniquement de délivrer un message, il faut être sûr qu’il soit vu. Notre vision, c’est que c’est la bataille de l’attention qu’il faut gagner. Il ne s’agit pas de délivrer une énorme quantité d’impressions mais de privilégier le qualitatif. Voilà pourquoi nous recherchons une réduction des coûts intelligente, quitte à payer un peu plus cher pour toucher la bonne personne et lui délivrer le bon message. Tous les KPI que nous modifions vont dans ce sens-là.



Comment pilotez-vous votre stratégie ?

C’est d’abord une question d’organisation. Je dirige 45 personnes, réparties en trois équipes : planning (celle-ci gère, pour douze pays, les mix médias, les répartitions budgétaires, les stratégies de messages), audience (collecte de data, qualification de la donnée, création des audiences), activation (incluant tous les points de contact offline et digitaux). J’ai créé l’équipe audience il y a deux ans.

Auparavant, nous pilotions beaucoup à partir des campagnes. Depuis deux ans, nous pilotons de plus en plus à partir des audiences. Nous poussons tels messages particuliers à une cible car nous savons qu’ils permettent de mieux convertir. Les deux approches sont complémentaires. Idéalement, il faudrait tout piloter à partir des audiences. Nous sommes dans une logique de test and learn : l’idée est de travailler de plus en plus d’audiences de cette façon-là.

Enfin, nous avons à la fois un pilotage en amont et un en temps réel. Nous avons une vision annuelle pour le travail opérationnel et nous regardons les résultats business tous les jours. Le mix média est conditionné par cela. Il faut être réactif. Pour cela, nous avons internalisé l’achat des médias sociaux il y a quatre ans et nous internalisons l’achat programmatique en ce moment. L’objectif est de gagner en agilité tout en optimisant les coûts et de disposer de l’expertise en interne. Nous sommes en train de recruter. Quatre traders sont arrivés sur le programmatique, deux sur les médias sociaux et quatre autres sont attendus (deux pour les médias sociaux et deux pour le search).  



La pub digitale fait douter certains annonceurs. Et vous ?

Nous sommes indépendants dans notre façon de penser. Nous challengeons Google et Facebook par rapport à leurs indicateurs. Nous nous faisons notre avis propre. Nous avons du recul par rapport à ce que ces partenaires nous disent. Ils nous conseillent mais ils ont un objectif. Cependant, ils évoluent et il y a aujourd’hui une meilleure écoute de nos préoccupations. Pour des raisons de brand safety, nous avions arrêté de communiquer sur YouTube pendant plus d’un an. Il y a environ six mois, nous avons repris avec des white lists de chaînes [listes blanches de chaînes dont la conformité à des exigences de sécurité par exemple a été validée, ndlr].

 

Quels outils utilisez-vous ?

Au-delà de l’écosystème nécessaire (DMP et DSP, déjà mises en place), nous cherchons actuellement à nous équiper d’une CDP (customer data plaform). Cet outil permet de gérer les audiences anonymes et known de façon plus coordonnée. En parallèle, pour aller plus loin, nous travaillons avec des solutions techniques comme Tinyclues. Avec elle, nous visons à définir des audiences plus pointues. Grâce à son outil d’intelligence artificielle, nous allons aussi, par exemple, être en mesure d’identifier dans nos bases de données des audiences plus appétentes pour un certain type de produits, non pas avec des indicateurs simplistes (« telles personnes ont déjà booké l’année dernière à la même saison ») mais avec des critères plus complexes. Des tests sont en cours.

Par ailleurs, nous commençons une collaboration avec IgnitionOne. Cette entreprise américaine propose de regarder tous les visiteurs qui passent sur le site et de voir en fonction de leur comportement ce qu’on a le plus intérêt à leur communiquer. Toujours dans l’idée de pousser un message qui fasse sens par rapport à l’audience.



Comment évoluent vos attentes vis-à-vis des agences médias qui vous accompagnent ?

Nous sommes en transition entre plusieurs agences. Nous travaillons avec Publicis Media sur plusieurs problématiques : offline, stratégie, conseil sur la data, consulting digital. En parallèle, Artefact et iProspect nous accompagnent dans notre internalisation. Je vais demander à Publicis de donner leur point de vue sur ce qu’on fait, nous. Une inversion des rôles, en quelque sorte.

Quoi qu’il en soit, l’exigence vis-à-vis de nos partenaires agences est plus grande qu’avant. Nous les attendons sur leur cœur de métier qu’est l’achat et leur capacité à optimiser les coûts intelligemment, mais aussi sur leur capacité à nous accompagner au niveau de la stratégie, à nous aider à anticiper les changements, à nous éclairer autour de grandes questions stratégiques - par exemple, que fait-on face à l’érosion de la télévision ? -, à nous aiguiller sur des sujets de fond comme l’optimisation du programmatique, à nous conseiller sur de la data. Ce qui est un peu paradoxal, c’est que d’un côté on internalise beaucoup, mais que de l’autre on a encore plus besoin des agences. En internalisant, il faut être plus ouvert.

Chiffres clés

12. C’est le nombre de pays gérés par l’équipe de Stéphanie Sabourin.

Plus de 110. C’est le nombre total de campagnes lancées en 2019 par Disneyland Paris.

Plus de 100. C’est le nombre de segments d’audience activés par pays en 2019.

+19 %. C'est l'évolution du ROI enregistrée en 2019 sur le search grâce à un ciblage plus pointu des audiences.

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