Transport
Nouveau départ pour une nouvelle marque, Chauffeur Privé devient Kapten pour élargir sa cible et préparer son internationalisation (Lisbonne, Genève, Londres). L’agence FamousGrey Paris a créé sa campagne de lancement.

Moins premium, plus international, tel se veut le nouveau Chauffeur Privé. Pour souligner ce changement de cap, la start-up d’origine française, fondée en 2012, a décidé de changer de nom pour devenir Kapten. Aidée par l’agence Bénéfik, elle souhaite rendre sa marque prononçable hors de France et renoncer au côté « privé ». En guise de teasing, le service de VTC s’est amusé, dans une série de vidéos en ligne, à faire prononcer « Chauffeur Privé » à des étrangers. Peut-être auraient-ils rencontré une meilleure réussite avec Kapten... En choisissant ce nom, les fondateurs de Chauffeur Privé, Yan Hascoet, Othmane Bouhlal et Omar Benmoussa, ont voulu une marque à la connotation positive, rassurante, que l’on a envie de suivre, bref, de surfer sur l’imaginaire du mot « capitaine ». Mais d’autres ont déjà eu l’idée avant et ont déjà déposé des marques proches. Restait Kapten. En tant que tel, il n’a donc pas de réelle signification. Gageons qu’il soit bien orthographié par les clients. Pour assurer la transition, la marque met les pieds dans le plat avec une saga. Pour gérer ce lancement, la direction a nommé en octobre 2018 Eve Arakelian (ex-Gameloft) comme directrice marketing, et Julie Charbonnier (ex-Studio Canal) en tant que responsable de la communication. À peine arrivées, elles héritent donc d’une nouvelle marque à l’état brut. Rapidement, elles lancent un appel d’offres et font appel au cabinet Pitchville, qui recommande sept agences, mais pas Les Gros Mots, la sortante. Quatre parviennent au second tour : Altmann+Pacreau, Brand Station, St John’s et la victorieuse, FamousGrey Paris. 

Deutsche qualität

Ce qui se joue n’est pas juste le rebranding d’une start-up en mal de parts de marché. Depuis que le groupe Daimler est monté au capital en décembre 2017, Chauffeur Privé n’est plus une pépite française mais le bras armé du géant industriel allemand dans les nouvelles mobilités. D’ailleurs, la prise de contrôle « s’est poursuivie et 2018 au-delà de 51 %, et devrait être complétée à 100 % d’ici la fin de l’année » nous confirme la direction. Kapten doit rivaliser avec Uber – adossé à 24,2 milliards de dollars injectés par de gros poissons comme Google, Goldman Sachs, Toyota ou SoftBank – et le chinois Didi Chuxing, celui-là même qui a battu l’Américain sur le marché chinois, et lui aussi confortablement financé, à hauteur de 20,6 milliards de dollars. Avant d’être racheté, Chauffeur Privé n’avait levé que 5 millions d’euros. Avec Daimler, les moyens sont bien supérieurs et permettent à Kapten se s’offrir sa plus grosse campagne média (plusieurs millions d’euros) qu’elle confie à nouveau à Re-Mind PHD, son agence historique.

Le dispositif inclut un film « manifesto » [manifeste] dans lequel Kapten annonce changer de nom, trois films de 20 secondes. L’un d’eux montre un homme au nez proéminent envisageant une chirurgie esthétique – il se réveillera avec une paire d’implants mammaires. C’est là qu’intervient la nouvelle signature : « Kapten, peut-être le meilleur choix de votre journée ». Car c’est bien évidemment en Kapten (il faudra s’y faire), que notre homme s’est rendu à la clinique. Une Mercedes Classe C dont on a peine à croire qu'elle n'a pas été suggérée par la maison mère Daimler. Comme la marque veut rompre avec les codes des débuts du VTC, à base de costard-cravate et de voiture lustrée noire, ce modèle-ci arbore une robe grise. « L’important est de capitaliser sur les forces de Chauffeur Privé et de ne pas tout enlever. Nous sommes désormais plus en phase avec ce que la société de consommation attend, et qui n’était pas très bien adressée jusqu’à maintenant », souligne Eve Arakelian, directrice marketing. « L’enjeu est d’élargir le cœur de cible et de ne plus paraître exclusif. Kapten est plus connivent, a plus d’empathie, est plus jeune aussi », poursuit Bénédicte Muller, directrice générale de FamousGrey. Pour rompre avec un « discours assez haut dans la catégorie VTC » – un peu trop sérieux –, le français redescend d’un cran pour être plus « chaleureux ». « Notre but est de sortir du lot. Nous n’avons plus besoin d’évangéliser sur le secteur car les gens connaissent les VTC, l’idée est donc d’émerger en créant de la répétition et de l’impact avec une saga », ajoute de son côté Julie Charbonnier.

« Uberration »

On se souvient de la campagne d’affichage en 2018 conçue par l’illustrateur et auteur de BD Blexbolex, axée sur le côté français. L’une d’elles disait : « Tellement français que même nos impôts sont Made in France ». Une pique aux boîtes high-tech américaines échappant à l’impôt, plus fine que la campagne de 2016 amalgamant le mot « aberration » et le concurrent « Uber », sur fond de moue contrite d’une cliente, avec ce message : « Chez nous, pas d’estimation, le prix de la course est fixé avant la commande. » Ce temps des campagnes à petit budget semble fini. Avec le nouveau discours de marque, Kapten ne fait pourtant pas table rase du passé. Il continue à revendiquer de payer ses impôts en France. Sur le prix, la société s’aligne et annonce, avec cette campagne de lancement, un tarif de base passant de 8 à 6 euros, comme Uber. Une baisse qui n’affectera pas la marge prélevée sur les 20 000 chauffeurs - de 20%, contre 25% pour Uber. C’est aussi à eux que s’adresse cette nouvelle communication. L’enjeu est de les fidéliser, eux qui jonglent entre plusieurs plateformes. Sur un autre front, l’entreprise doit batailler pour gagner des clients à coups de codes promo. En septembre 2017, l’arrivée de l’estonien Txfy a relancé la flambée des coûts d’acquisition. Des eaux tumultueuses sur lesquelles doit naviguer Kapten...

Chiffres clés

160 millions d'euros. Chiffres d'affaires en 2018 (+60 %).

2 millions. Nombre de clients en 2018. 

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