Cette interview est issue du n°1933 de Stratégies, daté du 18 janvier 2018.
Nous la republions suite à l'annonce de la séparation entre le photographe et Benetton
Pourquoi ce retour chez Benetton ?
OLIVIERO TOSCANI. J’ai quitté l’entreprise il y a dix ans. Lorsqu’on m’a demandé si je voulais participer à remettre quelque chose en place, j’ai vu cela comme un challenge [Lire Benetton peut-il remettre de ses cendres?]. Nous ne nous sommes jamais perdus de vue avec Luciano. C’est un type très lucide, avec une tête très jeune, un esprit de «teenager».
Benetton, qui n’hésitait pas à s’emparer de sujets sociétaux, était-elle en avance sur des marques comme Dove ou Always qui adoptent aujourd’hui ce type de démarche ?
Sur tout ce qu’on avait dit, on avait raison! Avec nos campagnes sur le Sida, par exemple, nous avons inventé une nouvelle façon de communiquer. Toutes ces conneries d’agences de pub, tous ces «Séguélaristes», du «strategic planner» à l’«account executive», tout ça c’est fini! Le modèle de la pub a fait faillite. Les campagnes de Benetton, ce ne sont pas les campagnes de Fiat ou de Nespresso! Qui se souviendra des publicités Nespresso dans 30 ans? À la différence des autres, nous avons toujours cultivé quelque chose de rare: un point de vue. Il n’a jamais été question de montrer des mannequins, des faux sourires.
Pourquoi avez-vous choisi de traiter du sujet de l’intégration, dans cette école primaire de Milan, avec ces enfants de 13 nationalités différentes ?
Nous voulons montrer la réalité d’aujourd’hui. Nous commençons à explorer le modèle de l’intégration, en montrant des situations où celle-ci est une chose positive. Sur l’une des images, l’institutrice lit Pinocchio - un clin d’œil car Pinocchio est mon héros! C’est un personnage fantastique, dans un merveilleux ouvrage sur l’enfance… Cette classe est un symbole. On sait très bien ce qui est en train de se passer: nous souffrons pour intégrer ces migrants, alors qu’un jour ces enfants seront des Européens, mais aussi des professionnels. S’il existe un procès de Nuremberg de la démocratie européenne, je ne veux pas être sur le banc des accusés !
Quid de l’aspect merchandising ?
La campagne, ce n'est pas la chose la plus importante. Nous voulons surtout recommencer à mettre de la magie dans le produit. Une campagne produit va d’ailleurs sortir en février. Les gens doivent retourner dans les magasins, et apprécier ce qu’ils y trouvent, ce qui n’était plus forcément le cas dernièrement… Le problème de Benetton, c’est que tout le monde a copié Benetton. Mais Benetton a fini par copier ceux qui l’avaient copié! Les managers qui viennent de Harvard n’ont pas su travailler notre marque. Ils auraient mieux fait de faire des études d’histoire de l’art !
Que va devenir La Fabrica, le centre de recherche en communication de Benetton ?
La Fabrica, que j’ai rebaptisée La Fabrica Circus, sera au cœur de notre communication, une communication moderne… Nous allons y organiser des centaines de workshops, avec des gens qui vont arriver du monde entier! Autrefois, il y avait le Club Med où l’on pouvait s’amuser et bronzer… À La Fabrica, nous allons créer le Club Med de la culture moderne! À Paris, dans notre magasin d’Opéra, nous envisageons de créer une petite Fabrica parisienne.
Lire aussi : Benetton peut-il renaître de ses cendres ?
Dates et chiffres-clés :
1965. Création de Benetton par Luciano Benetton. Le groupe compte aujourd'hui également la marque textile Sisley.
2008. Départ de Luciano Benetton
7300. Nombre de salariés de Benetton (contre 9766 en 2008)
5000. Nombre de magasins
100. Nombre de pays où la marque est implantée
81 millions d'euros. Passif de la marque en 2016