Jamais élection présidentielle n'aura coûté aussi cher. Les experts américains en dépenses publicitaires tablent sur un duel Barack Obama-Mitt Romney à plus de 2 milliards de dollars, peut-être même 2,5 milliards, ce qui correspond à 40% d'investissements supplémentaires par rapport à celle de 2008.
Le groupe d'études et de conseil Borrell Associates a réalisé une enquête détaillée sur l'ensemble des dépenses politiques de l'année. L'auteur du rapport, Kip Cassino, a mis bout à bout la présidentielle, les sénatoriales, les votes pour la Chambre des représentants, les juges et les élus locaux. L'ensemble représenterait 9,8 milliards de dépenses publicitaires, presque 3 milliards de plus qu'en 2008. Des chiffres à comparer aux 400 millions d'euros de la présidentielle et des législatives françaises.
L'expert de Borrell Associates tablait initialement sur 1,62 milliard de dollars pour la seule présidentielle. Mais c'était compter sans les «super PAC», une version survitaminée des traditionnels Political Action Committees (PAC), ces organisations représentant des intérêts privés et collectant de l'argent pour soutenir un candidat. En 2010, une décision de la Cour suprême leur a permis de recevoir des dons sans limite et de mener leur propre campagne publicitaire. Responsables cette année de 48% des dépenses, ce sont bien eux qui font monter la mayonnaise publicitaire de la présidentielle à cette hauteur financière.
Les milliardaires prêts à signer de gros chèques, parfois plusieurs millions de dollars, ont généreusement arrosé les «super PAC» pendant la campagne des primaires républicaines. Et quand Mitt Romney l'a emporté, ils ont continué à alimenter ces précieux soutiens conservateurs. Le roi de l'immobilier texan Bob Perry, le milliardaire des casinos Sheldon Adelson ou encore Julian Robertson, le célèbre patron du «hedge fund» (fonds de gestion alternative) Tiger Management, ont abondemment alimenté ces comités, comme Restore our Future, American for Prosperity, American Energy Alliance ou encore Crossroads, la création de Karl Rove, éminence grise de l'ex-président George W. Bush.
La part du lion pour la télévision
Le président démocrate Barack Obama a lui aussi bénéficié de la manne de ces machines à cash, telle Priorities USA. Mais ses amis haut placés sont moins fortunés. Jeffrey Katzenberg, le patron des studios d'animation Dreamworks, n'a fait don «que» de 2 millions de dollars. Jon Stryker, un militant de la cause homosexuelle et Irwin Jacobs, le fondateur de la société Qualcomm, ont également versé au pot.
Heureusement pour le président en place, les «bundlers» sont entrés en action. Ces amis qui réunissent de grosses sommes en organisant des repas à 50 000 dollars la table ont été particulièrement efficaces. Anna Wintour, la rédactrice en chef de Vogue, a récolté 2,7 millions de dollars et Harvey Weinstein, figure de proue du cinéma indépendant, a rapporté 750 000 dollars.
Tout cet argent sert essentiellement à payer les spots télévisés. L'expert de Borrell Associates estime que les journaux imprimés ne recevront que 7% de la manne. Les réseaux TV en revanche récupéreront la part du lion: 57,3%. La télévision câblée devrait engranger 9,5% et la radio 8,3%. Kip Cassino parie sur une envolée des publicités digitales de 616% par rapport à 2008. Mais, au final, le budget digital ne pèse que 1,5% du total. «Les directeurs de campagne ont appris leur métier dans les années 1990, constate Kip Cassino, ils croient beaucoup plus à la télévision.» Les deux derniers mois sont consacrés aux «Swing States», ces Etats qui peuvent basculer d'un côté ou de l'autre. C'est pourquoi Brad Adgate, directeur de recherche d'Horizon Media, parie lui aussi sur la télévision locale. «Les spots négatifs dénonçant l'autre candidat marchent très bien», assure-t-il. Miami, Orlando, Tampa, les trois grandes villes de l'Etat clé de Floride, vont être inondées.