L'Ours qui cache la forêt

Premier Grand Prix français au Festival de Cannes depuis 2009 (Wrangler/Fred & Farid en catégorie Press) et surtout premier film à se voir couronner d'une récompense suprême depuis 1991 (Perrier/Ogilvy, catégorie Film), «L'Ours» de BETC pour Canal+ aura marqué de son empreinte cette 59^e édition du Festival international de la créativité. Le plantigrade revient en effet bardé de médailles. Au delà de son Grand Prix Film Craft, BETC remporte avec «L'Ours», déjà multiprimé (New York Festivals, Clio Awards, D&AD, Club des DA, Grand Prix Stratégies…), trois Lions d'or et un Lion d'argent dans cette même catégorie en «Direction», «Script» et «Visual effects», et un Lion d'or dans la catégorie Film.

Une catégorie dans laquelle BETC, tout comme d'ailleurs son homologue anglaise Rattling Stick pour le quotidien britannique The Guardian (spot «Les Trois Petits Cochons»), aurait pu très bien prétendre au Grand Prix en lieu et place du film d'animation de Chipotle. Autant en effet la chaîne américaine de fast-food tex mex mérite son autre Grand Prix dans la toute nouvelle catégorie Branded Content & Entertainment, avec une opération très aboutie associant RP, mécénat, entertainment et publicité, autant sa consécration dans la catégorie film laisse plus songeur. «Chipotle s'est retrouvé en finale face à Canal+, DirecTV et The Guardian, mais il est rapidement sorti en tête, probablement parce que c'est le film le plus représentatif de 2012 avec cette volonté de consommer différemment», explique Andrea Stillacci, président de l'agence Herezie et membre du jury Film.

L'effet sans doute d'un vent «politiquement correct» qui a soufflé cette année sur la Croisette. Le président des catégories Film et Press, le Chinois Tham Khai Meng (Ogilvy & Mather), a d'ailleurs pesé de tout son poids en ce sens: «Notre industrie a une grande responsabilité, compte tenu de son impact sur la société. Les marques n'ont pas seulement vocation à vendre des produits, elles doivent aussi faire de ce monde un monde meilleur. Et ce n'est que le début d'un mode de communication encore à venir.» Un parti pris qui explique mieux les Grands Prix Press et Outdoor, respectivement décernés à «Unhate» de Benetton (La Fabrica) et «#cokehands» de Coca-Cola (Ogilvy Shanghai).

La France, 9^e au classement des pays

Une tendance à laquelle Charles Georges-Picot, directeur général de Marcel (Publicis), deuxième agence la plus primée cette année à Cannes, après BETC, adhère également, mais sous un tout autre angle. «On voit se multiplier les campagnes qui interagissent avec le public, que se soit à travers une expérience comme Contrex ou TNT [chaîne de TV belge], la proposition d'une service utilitaire comme Nike+ Fuelband ou encore un engagement sociétal comme Amex, Chrysler ou Chipotle. Tout cela fait écho au monde d'aujourd'hui», déclare le patron de Marcel, qui rentre de Cannes avec trois Lions d'or (deux en Press pour Ray-Ban et un en Film Craft pour Cartier), un d'argent (Contrex en Media) et un de bronze (Contrex en Outdoor). 

Derrière BETC, qui empoche également un Lion d'argent pour MCM en Media, et Marcel, suivent DDB Paris (Mini: 1 or, 1 argent et 1 bronze; Honda Moto: 1 argent), Young & Rubicam (Surfrider: 1 or; Opel: 1 argent), CLM BBDO (La Redoute: 1 or), Ogilvy (Tic tac: 1 argent et 1 bronze; Coke Zero: 1 argent et 1 bronze; Ford: 1 bronze), Herezie, JWT Paris et Publicis Conseil (1 argent chacune respectivement pour Vapona, Aides et Soöruz), Buzzman (Tipp-Ex: 2 bronze) et enfin Cake Paris, Big Production avec We are Pi et Wanda avec V (1 bronze chacune pour Canal +, The Doha Film Institute et Volkswagen).

Au total, les Français, qui avaient certes inscrit moins de campagnes que l'an passé (1 237, contre 1 617 en 2011), doivent se contenter cette année de 32 distinctions, contre 38 l'année précédente, même s'ils obtiennent deux fois plus de Lions d'or. La France comptabilise un Grand Prix, dix Lions d'or, onze d'argent et dix de bronze, et se place ainsi en 9^e position dans le classement par pays en nombre de Lions (6^e en 2011), au même niveau que la Belgique et loin derrière la Suède. Déjà absentes des palmarès Creative Effectiveness, Radio, Design et Mobile en début de semaine, les agences françaises reviennent également bredouilles dans la catégorie Titanium & Integrated. Un conseil unanime des jurés français passés par la moulinette de Cannes: «Agences françaises, travaillez un peu vos case studies!»

(tablo)