Pour la première fois, à l'occasion du Salon nautique de Paris, qui se tiendra du 3 au 11 décembre à la porte de Versaille, le stand de plus de 1000 m² de la région Bretagne fédérera sous sa nouvelle marque territoriale, inaugurée en début d'année (lire l'encadré), les villes de Brest et Lorient ainsi que le Comité régional du tourisme (CRT).
L'initiative marketing de la Bretagne n'est pas isolée. Depuis quelques mois, d'autres régions souhaitent se doter d'une marque partagée, pouvant être portée à la fois par les acteurs institutionnels et privés œuvrant dans le territoire. Les premières à s'être livrées à ce travail de fond sont des régions aux identités fortement marquées, telle la Bretagne donc, mais aussi l'Auvergne, le Nord-Pas-de-Calais ou l'Alsace.
Pour Joël Gayet, fondateur et gérant associé de Comanaging, cabinet spécialisé dans le marketing territorial qui conseille la plupart des collectivités pré-citées, «le marketing territorial est appelé à s'étendre à l'ensemble des régions françaises et européennes, non seulement du fait des économies qu'il permet de générer, mais aussi parce qu'il correspond à la nécessité de réorganiser les collectivités sur un modèle adapté à la concurrence accrue à laquelle elles sont de plus en plus confrontées».
L'utilisation d'une marque territoriale présente l'avantage de faciliter l'identification à une région ainsi que d'accroître l'effet de levier des différentes opérations de communication faites, sous un label régional fédérateur, par ses partenaires (entreprises, associations, etc.).
Cette nouvelle démarche marketing répond en fait à la nécessité des régions françaises de s'adapter à un contexte d'extrême concurrence entre territoires à l'échelle européenne, voire mondiale. Et la compétition est rude! Pour sa seule promotion touristique, la Catalogne (Espagne) dispose d'un budget d'environ 24 millions d'euros, quand la Bretagne, elle, se contente d'environ 3 millions.
La voie des exemples étrangers
De fait, avec la mondialisation et une politique de l'Union européenne très axée sur la décentralisation, les régions françaises n'ont cessé de prendre de l'importance. Or, si les départements ont une réelle existence aux yeux des Français, ce n'est pas encore le cas des régions, créées en 1982, et dont un certain nombre a été constitué sans tenir compte des frontières des provinces de l'Ancien Régime, qui restent vivaces dans la mémoire collective française. Pourtant, leurs compétences, notamment pour le développement économique, l'aménagement du territoire et la santé, ont été sensiblement élargies avec la loi de 2004.
Dotées de ces nouvelles responsabilités, les conseils régionaux, qui ont retenu la leçon des expériences ratées de marketing territorial tentées dans les années 1990, ont désormais les moyens et, surtout, l'expertise en interne pour mener à bien ce genre de projet. Sans compter que des exemples réussis à l'étranger leur ont montré la voie, à commencer par New York (I love NY), le canton suisse du Valais (Le Valais excellence), Amsterdam (I Amsterdam) ou Berlin (Be Berlin).
Dès 2008, la Bretagne, l'Auvergne et le Nord-Pas-de-Calais entament ainsi des démarches pour créer leur marque territoriale. Cette même année, le Nord-Pas-de-Calais lançait déjà «Créativallée», sa marque économique en direction des entrepreneurs, particulièrement ceux porteurs de projets innovants.
Mais c'est en 2011 que les premières identités de marques régionales ont pris forme, notamment avec la Bretagne et l'Auvergne, via sa nouvelle signature «Auvergne Nouveau Monde» qui fédère l'ensemble des initiatives économiques, sociales et de communication de la région. Depuis, l'Alsace, l'Ile-de-France, la Normandie, les Pays-de-la-Loire, la Picardie, la Franche-Comté et le Limousin se sont aussi lancés dans l'aventure et peaufinent leur propre stratégie de marque.
«Notre projet se présente sous la forme d'un travail en quatre étapes qui prendra fin au printemps 2012 après la réalisation d'un diagnostic sur l'attractivité de la région, la définition d'une stratégie de marque, la création d'un code de marque et une campagne de communication sur la marque auprès des partenaires», explique-t-on à la direction de la communication de la région Alsace. «Mais attention, prévient Joël Gayet, de Comanaging, l'établissement d'une marque territoriale ne peut pas être calqué sur celui d'une marque privée. D'abord, 90 à 95% des caractéristiques du “produit” proposé ne peuvent être modifiés. Ensuite, une bonne marque territoriale doit être facilement endossable par des acteurs extérieurs, notamment privés. Elle tient donc plus du concept que de la création de logo et de charte graphique trop restrictive.»
«Une plate-forme de projets communs»
Anne Miriel, directrice de l'attractivité du territoire et de la communication de Bretagne Développement Innovation, renchérit: «Quand on est une entreprise, on maîtrise totalement sa marque. Ce n'est pas le cas d'une collectivité que tout le monde peut s'approprier.» La clé du succès réside en effet dans le nombre de partenaires qui, au final, arboreront la marque.
Le risque est de céder à l'effet de mode et de se lancer dans la construction d'une marque territoriale sans véritable contenu. Vincent Gollain, directeur attractivité durable des territoires de l'Agence régionale de développement Paris-Ile-de-France, par ailleurs président du club marketing territorial de l'Association nationale des professionnels du marketing (Adetem) et gestionnaire de la marque territoriale Hubstart Paris (le Grand Roissy), rappelle que «pour être efficace, une marque territoriale doit être une plate-forme de projets communs et avoir des règles de fonctionnement très strictes pour savoir qui fait quoi».
En gestation en France, le marketing des régions doit donc encore passer l'épreuve des faits. «La pratique précède un peu la théorie», reconnaît Anne Miriel, de Bretagne Développement Innovation. Sans compter que le projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales à l'horizon 2014, prévoyant entre autres la création d'un pôle départements-région avec l'élection d'élus territoriaux siégeant au sein des deux institutions, pourrait encore changer la donne.