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Un an après son introduction sur le marché par Nestlé, la gamme d'alicaments Nesfluid rejoint la longue liste des lancements ratés. La faute à un concept difficile à saisir pour le consommateur : l'"hydranutrition".

Cent millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici 2015. C'est ce que devait rapporter Nesfluid, une gamme de six boissons à l'eau de coco lancée fin septembre 2010 par Nestlé. Moins d'un an plus tard, patatras ! La production est arrêtée. Pourtant, le géant suisse n'avait pas lésiné sur les moyens pour soutenir ce lancement : trois campagnes télé, des promotions à foison, un référencement dans toutes les enseignes, soit un budget de plusieurs dizaines de millions d'euros (1). Mais cette innovation n'a jamais rempli ses promesses, qu'elles soient nutritionnelles ou marketing. Les commentaires négatifs sur son goût se sont multipliés sur les forums et ont poussé les Protect, Vitalise et autres Renforce hors des linéaires moins d'un an après leur apparition.

 

La faute à un concept, l'«hydranutrition», qualifié de fumeux par les spécialistes et difficile à appréhender par le consommateur. Décidément, ce segment des alicaments, dits «functional food» chez les Anglo-Saxons, ne réussit pas aux industriels européens. Danone avait déjà connu un cuisant échec en 2009 avec Essensis, des yaourts qui devaient «nourrir la peau de l'intérieur». Une promesse essentiellement marketing qui n'a pas convaincu les acheteurs français, nettement plus rétifs aux innovations alimentaires que leurs homologues américains ou anglais.

 

Pourtant, imposer une nouvelle boisson aux propriétés innovantes est possible, comme l'a prouvé Red Bull, introduit en France en 2008. Comme Nesfluid, c'est une boisson fonctionnelle. Les deux possèdent des ingrédients actifs, caféine et taurine pour Red Bull, eau de coco et nutriments pour Nesfluid. Mais Red Bull s'est appuyée sur des experts en sports d'endurance, son territoire de marque, contrairement à Nestlé. « Cette expertise est probablement ce qui leur a manqué le plus », pense Béatrice de Reynal du cabinet Nutrimarketing. « J'espère que Nesfluid ne finira pas comme Essensis de Danone », prophétisait Xavier Terlet, fondateur du cabinet XTC, dans Stratégies(2) au moment du lancement. Hélas pour Nestlé, ce sera chose faite dans quelques semaines, une fois les maigres stocks épuisés.

 

3 Paroles d'experts

 

Béatrice de Reynal, directrice de Nutrimarketing

OUI. Je ne suis pas étonnée de l'arrêt de Nesfluid, car la promesse était essentiellement marketing, et dans une catégorie de produits, les boissons sucrées, dont les Français ne sont pas friands. Pour réussir le lancement d'une innovation alimentaire, il est impératif de bien border tous les aspects scientifiques, nutritionnels, réglementaires et marketing. Pour Nesfluid, les deux premiers items ont été totalement oubliés. D'autant que, selon notre base de données de 100 000 produits dans 60 pays, la France est un pays atypique, dans lequel la seule promesse santé qui fonctionne doit s'appuyer sur la naturalité et le terroir.»

 

Brice Auckenthaler, président de Tilt Ideas

OUI. Dans ce secteur des alicaments, Nestlé a oublié un fondamental : il faut que ce soit bon, ce qui n'était pas le cas pour cette gamme. C'était pareil avec Essensis de Danone, qui a voulu masquer a posteriori le goût du soja avec du sucre. De plus, le public Français est plus lent à adopter les innovations alimentaires que les publics anglais ou allemands. Enfin, le film publicitaire [réalisé par Publicis Conseil] était trop elliptique et peu compréhensible. La promesse était ambitieuse, le nom formidable et cohérent avec la transparence de la boisson, mais le résultat en bouche, déceptif.»

 

Xavier Terlet, XTC World Innovation

OUI. Nestlé a commis deux erreurs. D'abord placer la fonctionnalité avant le plaisir. Quoi qu'ils puissent dire, c'est cet aspect qui a été mis en avant, comme le prouvent les cinq boissons qui avaient chacune leur fonction : protection, vitalité, etc. La dimension plaisir devait être démontrée par la publicité, mais il y a beaucoup à redire à la campagne de Publicis. Seconde erreur : la promesse, l'"hydranutrition", était beaucoup trop compliquée. Or, l'époque réclame de la simplicité, qui devient un gage d'efficacité. Malgré les efforts promotionnels du groupe, l'échec de cette innovation était annoncé.»

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