La vente de vins en ligne encore discrète

Frédéric a quarante-huit ans. Il est directeur d'une entreprise informatique et passionné de vin, possèdant plusieurs milliers de bouteilles dans une cave surveillée en proche banlieue parisienne et une cave «tampon» à son domicile. Sur Internet, il repère les bonnes affaires à l'aide d'un moteur de recherche ou en comparant les différents sites de vente de vin en ligne. Quand il voit un «bon coup», il n'hésite pas à acheter une caisse voire deux.

Frédéric correspond parfaitement au portrait-robot de l'acheteur de vin en ligne établi par l'E-performance Barometer, une étude réalisée par le BEM (Bordeaux école de management). Il s'agit en effet d'un homme (79%), de plus de 35 ans (68,6%), au moins bac+5 (34,1%), qui gagne entre 30 000 et 60 000 euros par an et effectue dans la même période cinq achats de vin en ligne au minimum. Il se déclare davantage compétent en matière de vin que l'ensemble des internautes sondés, il achète ses bouteilles plus cher (45% entre 10 et 20 euros) et régulièrement sur Internet (45%), alors qu'une grande majorité des sondés (69%) passe par la grande distribution.

Ce baromètre, qui recense tous les deux ans les meilleurs sites de vente de vin par Internet, s'est penché sur ces internautes qui délaissent téléphone, fax et courrier pour commander d'un coup de clic. Trois mille personnes de huit pays ont été interrogées et devaient remplir une mission: avec un budget de 250 euros, il fallait remplir un panier de bouteilles via 29 sites Internet proposés.

Dur de lutter face au trio caviste-grande surface-producteur

Si les ventes tous produits confondus ont le vent en poupe sur la Toile (les internautes français ont dépensé 31 milliards d'euros en ligne en 2010), celles de vin font figure de parent pauvre. Le chiffre d'affaires de ce marché pour la même année est estimé à 308 millions d'euros, réalisés par 325 sites spécialisés, soit tout de même 33% de hausse depuis 2007. Par rapport à l'ensemble des échanges mondiaux de vin, tous canaux confondus, les ventes contractées et payées via Internet représentent 3,2%, à 3,4 milliards d'euros.

Pour Manoël Bouchet, cofondateur du cabinet-conseil en marketing RMD, le marché du vin en ligne n'a pas encore fait sa révolution: «Même s'il se développe fortement, il n'apparaît pas encore comme un acteur majeur du marché. Les canaux préférés pour l'achat de vin restent avant tout le caviste, la grande surface, puis le producteur.»

Si Internet s'avère une excellente source d'information, l'achat en ligne est loin d'être un automatisme. «Même les poids lourds gagnent peu d'argent, estime Sébastien Durand-Viel, cofondateur d'Eccevino.com, un site qui aide l'internaute amateur de vin à se repérer dans le dédale de la Toile. Il n'y pas d'envolée comme dans d'autres secteurs du commerce en ligne. De plus en plus de sites spécialisés se partagent un gâteau qui ne grossit pas vraiment.»

L'explication se trouve probablement dans l'étude de l'agence Sowine ⁽¹⁾ basée sur une population beaucoup plus large (1 200 personnes, représentatives de la population française et âgées de 18 à 65 ans) que celle prise en compte par le BEM . Pour 74% des Français, le vin n'est pas un produit comme les autres, et il se distingue notamment des alcools. Il intimide toujours nos compatriotes: 63,2% se disent néophytes ou débutants quand 35,2% se disent amateurs éclairés et 1,7% seulement experts en la matière. La plupart estiment qu'il faut un minimum de connaissances pour l'apprécier.