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La publication d’un document confidentiel de la Fédération française des télécoms, qui comprend un ensemble de propositions autour de la gestion du trafic sur le Net, esquisserait la fin de l'illimité. Ou du moins des offres sur mesure (plus chères) pour les «net-goinfres».

Assistera-t-on bientôt à la fin d'une exception française, la box triple play à moins de 30 euros? Certes, une brèche s'est ouverte en début d'année avec la hausse de la TVA. Mais la publication par le site d'informations Owni d'un document de la Fédération française des télécoms (FFT), qui regroupe les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), a ouvert la boîte de Pandore. Dans le cadre de sa consultation autour de la neutralité du Net, l'Arcep, l'autorité de régulation des télécoms, a demandé à la FFT de plancher sur des propositions pour la gestion de trafic et la transparence vis-à-vis des consommateurs. «Nous avons consulté des associations, fournisseurs d'accès à Internet et éditeurs de services», précise Yves Le Mouël, directeur général de la FFT.

Le document révélé par Owni ne serait qu'une base théorique pour des offres tarifaires susceptibles de voir le jour d'ici à trois à cinq ans. Une version définitive devrait être rendue publique cet automne. Mais la polémique a pris de l'ampleur avec les nombreuses déclarations, y compris du côté des opérateurs, qui ont suivi la divulgation de ce document. Sur le marché du mobile, il y a quelques mois déjà (Stratégies n°1615 du 6 janvier 2011), plusieurs opérateurs réfléchissaient à une «segmentation des offres» en fonction de la consommation des clients.

Motif invoqué: un risque de saturation des réseaux. Mais cet argument ne tient pas dans l'Internet fixe où «la réponse technique est là avec le remplacement à venir des réseaux ADSL en cuivre par la fibre optique», argumente Yves Le Mouël. La réponse, avec l'émergence possible de paliers tarifaires, serait plutôt d'ordre marketing. Si les FAI martèlent aux consommateurs qu'ils consomment trop, peut-être est-ce pour les préparer à de possibles hausses de tarifs. Et rompre le modèle des connexions illimitées qu'ils connaissent depuis l'avènement des box ADSL, il y a presque dix ans. Le débat est ouvert.

 

Non
Yves Le Mouël, directeur général de la Fédération française des télécoms

«Il n'y a pas de risque de saturation du réseau fixe, les opérateurs ne font qu'anticiper une croissance exponentielle des usages sur les réseaux. D'où leur réponse marketing, pour adapter leur offre au marché. Certains imaginent des packages adaptés selon les usages, pour des clients particuliers. Par exemple pour les très gros consommateurs de bande passante, cela pourrait prendre la forme de services vidéo de qualité. Mais les tarifs ne changeront probablement pas pour le gros de la population. D'autant que l'on est dans un secteur très concurrentiel, avec l'arrivée d'au moins six nouveaux acteurs [opérateurs de réseau mobile virtuel, tels La Poste ou Virgin Mobile] sur l'Internet fixe cet automne.»


Oui
Édouard Barreiro, chargé de mission
à l'UFC-Que Choisir sur les technologies de l'information

«Historiquement, Internet n'est pas cher en France, c'est là une occasion rêvée pour les opérateurs d'augmenter les tarifs. À la faveur du débat sur la neutralité du Net, l'objectif recherché ici est de segmenter l'offre sur la qualité, la vitesse du débit ou, par exemple, d'instaurer des plafonnements par séquences d'enregistrements, évoqués dans le document. L'argument de la congestion du réseau est un mythe inventé par les opérateurs: qu'il consomme peu ou beaucoup, le consommateur utilise la même infrastructure et coûte donc la même chose à l'opérateur.»

 

Non

Benoît Felten, PDG de Diffraction Analysis

«Après une phase de forte croissance du marché du fixe, les acteurs savent que la croissance par acquisition sera désormais marginale. Il n'est donc pas étonnant que certains veuillent faire payer davantage les clients. Mais comment leur faire accepter? Sur un marché aussi compétitif en France – grâce notamment à Free, qui ne changera pas de si tôt de stratégie–, peu de choses devrait changer. Une segmentation des offres et donc une hausse des prix n'est envisageable que via le développement de nouveaux services: domotique, sécurité du domicile, support éducatif, etc.» 

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