Les Français se bousculent sur la ligne de départ de la prochaine Coupe de l'America. La plus célèbre compétition de voile, vieille d'un siècle et demi, se disputera en 2013 sur des catamarans. Or les navigateurs hexagonaux sont des spécialistes des multicoques. Du coup, trois projets nationaux sont déjà déclarés: Aleph avec le soutien de la Fédération française de voile, Energy Team porté par les frères Peyron, et All 4 One, la structure franco-allemande de l'homme d'affaires Stéphane Kandler, qui a déjà à son actif une participation à l'épreuve avec Areva Challenge en 2007. Mais contrairement à ses concurrents, ce dernier n'a pas encore versé sa participation de 25 000 dollars (17 800 euros) pour être déclaré challenger officiel.
«Si les Français ont une chance de gagner, c'est cette fois-ci, assure Bruno Troublé, ancien barreur et porte-parole de la Louis Vuitton Cup, partenaire de la Coupe de l'America. Nous avons une vraie culture et une expertise du multicoque. Mais nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir plusieurs projets majeurs. Pour maximiser les chances, il faudra réunir les forces et les hommes.» D'autant que le marché économique français n'a peut-être pas les moyens de supporter autant de projets.
Pour Aleph, le budget s'élève à 50 millions d'euros. Les frères Loïc et Bruno Peyron misent quant à eux sur 70 millions d'euros, tout comme All 4 One. Les trois projets courent après un ou deux partenaires pouvant investir entre 15 et 20 millions d'euros annuels sur trois ans. «L'histoire de la Coupe de l'America en France ne plaide pas pour trouver des partenaires du niveau requis, estime Serge Valentin, président de l'agence Fairplay et spécialiste de la voile. Toutefois, les marques intéressées sont internationales. Peu importe donc qu'elles soient françaises ou pas.»
«Discussions avancées»
Ce genre de problème est typiquement français. L'Italie a toujours engagé plusieurs bateaux sur les précédentes éditions de la Coupe de l'America. «Mais ils bénéficiaient de l'appui d'une grande fortune, indique Thierry Reboul, président d'Ubi Bene et chargé du marketing sur le projet Energy Team. En France, nous ne pouvons compter que sur une quinzaine de multinationales privées. L'équation est donc compliquée.»
Malgré cette contrainte, c'est auprès des marques françaises que les patrons des défis restent les plus actifs. «Le principe, c'est que le projet en lui-même est français, insiste Philippe Ligot, initiateur d'Aleph. Notre approche sportive est le maillot national. Nous vendons le label "Équipe de France". Mais si un partenaire étranger est intéressé, je ne lui fermerai pas la porte.» Comme les deux autres, Aleph voit l'échéance se rapprocher. Le délai de fabrication d'un bateau compétitif – six mois incompressibles – impose une prise de décision définitive avant mai. Début mars, les trois projets annonçaient «des discussions avancées avec de grandes sociétés»… mais rien de concret. Dommage, car la perspective de voir un skippeur français brandir l'Aiguière d'argent au sein d'une équipe française s'éloigne aussi.