À l'heure où l'on bannit la vitesse, où l'on taxe les pollueurs, où l'on encense les transports doux, les marques automobiles n'ont-elles pas perdu leur statut d'icônes? Les marques culte sont-elles en voie de disparition? «Sûrement pas, lance Christophe Lafarge, coprésident de l'agence H qui gère le budget Citroën. C'est seulement ce qui conditionne le culte qui a changé.»
Puissance du moteur, performance, vitesse: des notions aujourd'hui dépassées, sur lesquelles les marques ne peuvent plus se reposer. «Pour exister, elles parlent désormais confort, affirmation de soi et respect de l'environnement», énumère Jérôme Chont, présentateur de l'émission Automoto sur TF1. «Les marques culte de demain seront celles dont les voitures rendront le meilleur service, en étant le plus neutre pour l'environnement», poursuit Christophe Lafarge.
Pour les constructeurs, c'est donc toute une stratégie marketing qui est à repenser. «Pour rester une marque iconique, il faut créer un lien émotionnel avec le conducteur, une relation intime», analyse Frédéric Winckler, président de l'agence JWT, qui signe depuis juin les campagnes de BMW axées justement sur… la joie. «Nous nous sommes recentrés sur la signature de la marque des années 1960, “Freude am fahren”, la joie de conduire, précise Baudouin Denis, directeur marketing de BMW France. Cette expression véhicule à la fois un côté enfantin, religieux, sacré.»
Exact reflet de l'air du temps
Chez Audi, c'est l'univers de la marque qu'on veut mettre en lumière, plutôt que la voiture elle-même: «Avec Myaudi.fr, nous proposons à nos clients d'assister à des événements sportifs et culturels. La marque montre ainsi qu'elle est ancrée dans la société, qu'elle sait être avant-gardiste dans d'autres domaines… et entretient le culte», explique Bruno Gisquet, directeur marketing.
Pour Jeep, marque devenue un mot générique, c'est justement sur cette notion d'original qu'il faut jouer: «Historiquement, Jeep, c'est la marque du débarquement allié, le symbole de la liberté. C'est ce message que nous voulons véhiculer», affirme Jean-Paul Brunier, président de Leo Burnett France, agence responsable du budget.
Autre astuce du côté des marques: faire revivre des modèles culte, de la Fiat 500 à la DS en passant par la Mini. Entretenir le mythe en le modernisant. «L'idée était de faire porter un nom culte, DS, à une démarche qui refuse le passéisme», affirme Christophe Lafarge, dont l'agence signe la campagne. Pour Xavier Duchemin, directeur marketing de Citroën, «une voiture iconique doit désormais être irréprochable en termes d'écologie, avoir un design à la pointe, mais aussi être personnalisable». C'est le cas avec la DS: sur 10 000 voitures qui sortent de l'usine, seules 17 sont identiques. Chacun se crée ainsi sa propre icône.
«Ce qui favorise le culte, c'est surtout la rencontre entre une marque et son temps, explique Jean-Paul Brunier. La Twingo, par exemple, est arrivée à un moment où l'on désacralisait la voiture. Elle s'est présentée comme ludique, sympathique, décomplexée, et chacun se l'est appropriée. Idem pour la nouvelle Fiat 500 qui, en pleine période de crise, s'est imposée comme la petite voiture accessible.»
Pour rester une marque culte, parions donc qu'il faudra se positionner comme challenger sur les voitures électriques ou à hydrogène.