Le lab
Comment bien doser les émotions dans un spot publicitaire pour toucher le consommateur au cœur ? Le tour de la question avec le chercheur Mathieu Lajante, spécialiste du sujet.

«Les émotions ne sont pas quelque chose que l’on peut manipuler à sa guise. Il y a un décalage entre le discours marketing, journalistique de simplification et la réalité de ce que l’on mesure en laboratoire. En effet, les émotions décrites dans un spot publicitaire ne sont pas nécessairement celles que ressent le consommateur qui est exposé au message. Ce serait trop simple, car le déclenchement de l’émotion est contextualisé et dépend d’un processus d’évaluation subjectif. En revanche, ce qui marche bien, c’est lorsqu'il y a une combinaison d’émotions positives et négatives dans un message publicitaire. Ces émotions mixtes permettent de capter l’attention du consommateur et c’est très lié aux processus émotionnels. En commençant par une image ou une scène choquante: par exemple, la marque d’eau minérale belge Spa campe un homme de 45 ans, fatigué par la routine de la vie, qui dénigre sa femme pendant une vingtaine de secondes, en lui disant qu’elle est vieille, etc. Elle réagit à la fin en lui jetant son verre d’eau en pleine figure, avec ce slogan: “Spa, l’eau qui purifie”. Une chute humoristique, positive.

Énergivore

Les publicités sont aujourd’hui très chargées en émotions, à l’instar des spots diffusés lors du Superbowl. C’est le cas de la dernière publicité pour Hyundai proposée en février dernier: des randonneurs sont poursuivis par des ours dans la forêt, et démarrent leur voiture à distance avec une montre connectée afin de s’y réfugier. Elle comprend du suspense, de la peur, et de l’humour en chute puisque les ours se mettent à parler entre eux à la fin, en se moquant de ces randonneurs… Quand il y a de l’émotion, la publicité joue sur des processus inconscients, à l’inverse de la publicité trop informative.Attention toutefois. L’être humain, par nature très fainéant, cherche toujours à s’économiser et les émotions consomment beaucoup d'énergie. Seules les annonces publicitaires pertinentes pour le consommateur seront susceptibles de déclencher des réponses émotionnelles. Enfin, ces émotions vont modifier l’appréciation de la marque par le consommateur mais n’ont pas forcément d’impact sur ses intentions d’achats.

Attention aux personnes âgées

Par ailleurs, cette tendance à surcharger les publicités en émotion a un contre-exemple: les spots destinés aux personnes âgées. Ils s’adressent à des personnes qui traitent l’information plus lentement, il faut éviter de produire une surcharge cognitive. Dans ces publicités, vous ne trouverez pas de musique à fond, ni trop de couleurs, les messages sont plus simples, fractionnés. Ce que l’on retrouve dans les publicités pour certaines eaux minérales et les monte-escaliers Stannah… Enfin des études démontrent que les personnes âgées vont se focaliser davantage sur des choses positives que négatives. Il vaut mieux mettre des personnes âgées dans un contexte positif.» 

Le prof

Mathieu Lajante est aujourd’hui maître de conférences en marketing à l’université de Rennes I. Auparavant, il a décroché un master 2 en marketing avec comme spécialité «comportement du consommateur et distribution» (IGR-IAE de Rennes) en 2010. Il a obtenu son doctorat en 2013 en rédigeant une thèse sur le thème: «Contribution des neurosciences à l’étude de l’émotion en persuasion publicitaire: concepts, méthodes et mesures». Puis il a publié en 2015 chez Vuibert l’ouvrage Les émotions en persuasion publicitaire. Une approche neuroscientifique

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