Cela fait plusieurs années qu'E.Leclerc compte parmi les plus gros annonceurs. Que représente pour vous la publicité?
Michel-Edouard Leclerc. Au départ, E.Leclerc était une enseigne, un nom sur des magasins. Mais l’évolution du maillage et l’enrichissement de nos services nous a poussés à en faire une marque globale. Nous manions les supports et les contenus pour faire plus que de la réclame. La plupart des enseignes de distribution alimentaires se sont mises derrière un slogan pour cela. Mais E.Leclerc est la seule qui, à travers sa marque, véhicule toutes ses valeurs. Elle n'a pas besoin de slogan. Nous avons un gros budget médias, mais à relativiser car nous parlons de la marque quand, pour d'autres, il est divisé entre plusieurs enseignes [à l’image d’Auchan et du groupe Mulliez]. Pour nous, l’image d'E.Leclerc est plus forte que les investissements réalisés. La lisibilité de nos intentions est rapide et totale. Le tout, c’est d’être toujours constant et cohérent. Faire des coups ne fait que perdre le consommateur. Par exemple, nous sommes très fidèles à nos agences. Nous n’en changeons que très peu. Australie est notre troisième partenaire. Cela fait douze ans que nous travaillons avec eux…
L’augmentation de vos investissements médias est-elle une réponse à la «guerre des prix»?
M-E.L. Clairement, non. Quand vous mesurez l’image prix des enseignes en septembre 2014, elles n’ont que très peu changé après ces offensives médiatiques. L’augmentation de nos investissements médias correspond à une accélération de notre mutation vers une stratégie multicanal. Nous avons désormais 550 drives, qui ont représenté 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit un tiers de notre croissance en 2014. Cela demande, en parallèle, de réinvestir dans nos hypermarchés pour développer leur attractivité, en privilégiant l'affichage local, par exemple. Ajouté à notre stratégie internet et nos diversifications – un site de vin, de lentilles de contact, etc.–, tout cela justifie qu’on accompagne cette mutation d’un investissement publicitaire fort.
Vous êtes réputés pour faire des campagnes impertinentes, prenant à partie souvent le politique. Si ce parti pris crée une connivence avec le consommateur, cela ne vous dessert-il pas dans votre relation avec le pouvoir?
M-E.L. Mieux vaut ne pas compter sur le pouvoir en place pour changer les choses. En revanche, quand la question que vous soulevez est légitime et que vous prenez à partie le public, qu’il commence à s’engager dans le débat, là, les choses peuvent changer, mais lentement. Concernant la vente de médicaments en grande surface, par exemple, Emmanuel Macron [actuel ministre de l'Economie], quand il était rapporteur de la commission Attali, a repris notre discours. L’Autorité de la concurrence, dernièrement, a fait de même. Et peu à peu, il deviendra banal. Les échéances des politiques et des marques ne sont pas les mêmes. Nous travaillons sur plus d’un mandat. Il nous a fallu dix ans pour vendre les carburants moins chers. Idem pour nos parapharmacies. Concernant les sacs plastiques, nous avons commencé à les supprimer en 1995, et le gouvernement commence tout juste à l’envisager. Ces combats se livrent sur le long terme. Mais lorsque le marché bascule, la marque peut en retirer beaucoup de bénéfices en termes d’image.