Entre la souveraineté du cloud, le sommet de l’IA, les procès Google et le retail media, l’année sera riche pour la tech en 2025.
Octave Klaba, le chantre du cloud européen
C’est l’heure de vérité pour Octave Klaba, le patron du cloud français, OVHcloud. Après avoir opéré un grand revirement stratégique en 2024, le patron doit convaincre du bien-fondé de ses choix. Benjamin Revcolevschi a été nommé PDG, succédant à Michel Paulin, et le surdoué de l’informatique a présenté un grand plan baptisé « Shaping the Future », qui vise à vouloir devenir la référence en matière de sécurité et de souveraineté des données. OVHcloud veut s’insérer dans le débat sur la souveraineté des données, qui prend de plus en plus de place au regard de la situation géopolitique et du fait que le Foreign Intelligence Surveillance Act aux États-Unis impose toujours aux sociétés de cloud américaines de fournir les données aux services de renseignements d’Oncle Sam… Mais OVHcloud veut aussi se faire une place sur l’intelligence artificielle, sachant qu’elle s’intègre de plus en plus au sein des cloud providers [fournisseurs de cloud]. Le revirement stratégique d’OVH est aussi financier, avec un rachat d’actions de 350 millions d’euros pour rassurer les actionnaires. OVHcloud a drastiquement réduit ses pertes en 2024 et atteint un chiffre d’affaires de près d’un milliard d’euros, en hausse de 10 %. Sur un marché qui devient éminemment stratégique pour les entreprises et sur lesquels les géants (Google, Amazon, Microsoft) se disputent à coups de procès, OVH a-t-il un coup rusé à jouer ?
Chloé Goupille, secrétaire générale du Sommet d’Action sur l’IA
Avec Anne Bouverot, l’envoyée spéciale mandatée par l’Élysée pour organiser « le » rendez-vous de l’année international sur l’IA, qui aura lieu à Paris les 10 et 11 février, Chloé Goupille aura fort à faire. Personnalité moins médiatique que sa comparse, elle fait partie de ceux qui œuvrent davantage dans l’ombre, pour organiser ce sommet qui s’annonce déjà comme un rendez-vous diplomatique de haut vol, alors que la géopolitique internationale se complexifie. Cette expérimentée des enjeux mondiaux, comme la lutte contre le changement climatique, l’énergie et la santé, a travaillé dans des ambassades, ou pour le gouvernement, aux Affaires européennes. Elle a également été conseillère de l’administrateur français au conseil d’administration du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale à Washington DC. Un profil rare pour un sommet qui affiche sur le papier de grandes ambitions : mettre en place un cadre de gouvernance mondiale de l’IA, afin de s’assurer d’un développement de cette technologie au service du public.
Leonie Brinkema, l’avenir de la tech sous son maillet
Cette juge d’Alexandria (Virginie) aux États-Unis pourrait prendre une décision en 2024 qui redessinera totalement l’avenir de l’adtech. C’est elle qui est chargée du procès intenté par le ministère de la Justice contre Google, pour abus de position dominante, le second volet judiciaire qui pourrait amener à des décisions de démantèlement du géant de la pub en ligne. En août 2024, un premier juge avait déjà reconnu Google coupable de pratiques anticoncurrentielles concernant le search, et les peines n’ont pas encore été prononcées. Si Leonie Brinkema décide de le reconnaître également coupable, la tâche sera ardue pour le géant de la tech qui se battra bec et ongles pour préserver ses positions, et qui estime que ces affaires reposent sur une vision dépassée d’internet… mais qui profiteront à bon nombre d’acteurs de la pub en ligne.
Nicolas Rieul, président de l’Alliance Digitale
Ira ? N'ira pas ? Le président de l’Alliance Digitale se représentera-t-il pour un nouveau mandat ? Élu à la tête de l’IAB France en 2020, Nicolas Rieul a réalisé la fusion de l’association professionnelle de la pub en ligne avec la Marketing Mobile Association (MMA) en 2020, pour créer l’Alliance Digitale. Reconduit en 2022, il a cette année œuvré à fusionner avec la Data & Marketing Association, présidée par Jean-Michel Moulié, ce qui porte à près de 300 le nombre d’entreprises adhérentes. Qu’il se représente ou non, le programme du ou de la prochain(e) président(e) sera très lourd. L’Alliance Digitale attend le résultat de la procédure en cours contre Apple à propos l’App Tracking Transparency. En cas de victoire judiciaire, le verdict pourrait donner lieu à des réparations financières pour les entreprises, après avoir plombé bon nombre de résultats d’applications mobiles. Mais il suivra de près aussi la suite du feuilleton des cookies tiers depuis l’annonce de Google de laisser le choix aux internautes ou encore de favoriser le fingerprinting [prise d'empeinte] : l’avenir reste trouble pour le tracking des internautes. Autre sujet avec le Digital Fairness Act, le projet de réglementation de l’Union européenne pour un numérique « équitable », qui s’attaquera aux dark patterns ou au marketing d’influence. L’Alliance Digitale aura encore fort à faire pour garantir l’économie de l’open web et peser de son nouveau poids sur le marché.
Sophie Poncin, directrice générale d’Utiq France
Sophie Poncin a déjà été présente partout en 2024, et on risque de la revoir en 2025 ! Avec une grosse accélération sur le deuxième semestre, l’année qui vient sera déterminante pour Utiq, le consortium publicitaire des opérateurs télécoms européens, regroupant Deutsche Telekom, Orange, Telefónica et Vodafone. Il est dirigé par Marc Bresseel au niveau européen. Deux ans après son lancement, il doit prouver la viabilité de son modèle à l’échelle auprès des annonceurs, afin d’offrir la technologie de mesure cookieless. 2024 a été l’année de la signature des médias : NRJ Global, Reworld Media, Sipa Ouest-France, Media Figaro… L’identifiant unique des opérateurs téléphoniques commence à s’implanter partout. Mais le consortium a signé cette année avec Equativ pour la curation de contenu, ou encore avec Mediarithmics. Si on considère qu’il n’existera pas de solution « unique » à la disparition des cookies tiers, il pourrait bien y avoir une solution « Utiq » !
Philippe Corrot, CEO de Mirakl
Et si Mirakl venait concurrencer Criteo ? Le spécialiste de la marketplace a lancé son offre de retail media, Mirakl Ads fin 2022, et a passé un grand cap cette année avec le rachat d’Adspert, la start-up allemande spécialisée dans l’optimisation des campagnes marketing en ligne. Le but : intégrer son IA prédictive aux outils de Mirakl. En 2023, le champion de la marketplace avait signé un partenariat avec Havas pour favoriser le déploiement de sa solution retail media auprès des acheteurs, et en décembre 2024, la plateforme a annoncé sa disponibilité sur le catalogue de logiciels d’Amazon, AWS Marketplace. Le modèle des marketplaces ne cesse de prouver son efficacité et bat record sur record : en 2024, Mirakl a atteint le pic des 10 milliards de dollars de valeurs de marchandises échangées sur sa plateforme en un an, avec un pic à 100 millions de dollars pour le Black Friday. Des chiffres qui font tourner la tête…