La dernière édition de l’étude Green IT-Razorfish sur le poids environnemental du numérique constate une dégradation, accentuée par l’essor de l’intelligence artificielle. Un sursaut s’impose.

« La bataille de l’environnement est-elle perdue pour le digital ? » Le sous-titre de la nouvelle édition du baromètre de l’éco-conception(1) réalisé par Green IT et Razorfish (groupe Publicis) fait l’effet d’une douche froide. On le sait, la RSE a été supplantée ces derniers mois dans les priorités des dirigeants par l’intelligence artificielle (IA), les préoccupations sur la croissance et les incertitudes géopolitiques. Dans le même temps, l’IA est responsable de l’explosion de la consommation électrique liée au numérique, de 3 % de la consommation totale en 2010 à 6 % en 2030, selon l’Agence internationale de l’énergie. 25 % des Français ont utilisé une IA en 2024, en hausse de 9 points par rapport à 2023 selon l’Ifop.

Meilleur score environnemental pour Mistral AI

Le baromètre, qui publie depuis trois ans le score environnemental des sites corporate du CAC 40 et des 40 premiers acteurs de l’e-commerce en France, ajoute cette année les principales IA textuelles et créatives. Avec un bémol : seule la phase de requête est analysée, les données concernant les serveurs n’étant pas disponibles. Néanmoins, l’exercice démontre que les IA search, souvent liées à des moteurs de recherche (Gemini de Google, Copilot de Microsoft), coûtent plus cher à l’environnement que les IA assistants, qui répondent à une question sans ajout de liens ou d’images, comme ChatGPT ou Mistral AI. La pépite française réalise d’ailleurs le meilleur score environnemental même après cinq prompts, ce qui permet de souligner qu’un prompt complexe dès le départ vaut mieux que cinq prompts simples.

Sans surprise, les IA créatives, génératrices d’images, ont un poids environnemental plus lourd, dès le lancement de l’interface, et plus encore après six prompts. Mais les choix graphiques des différents acteurs (poids des images, complexité de la page d’accueil) conditionnent leur score final, de même que pour les sites classiques, preuve que l’éco-conception doit encore faire des progrès. Concernant les sites corporate et e-commerce, leurs notes sont en régression par rapport à l’année dernière (-1 point et -3 points respectivement). Au sein de l’e-commerce, les sites de réservation de voyages ou de courses alimentaires pèsent moins lourd que les acteurs de l’audiovisuel ou de la beauté, mais à l’intérieur d’un même secteur, les scores peuvent être améliorés grâce à des bonnes pratiques comme réduire la résolution des images ou supprimer des hyperliens.

Malgré le bilan en baisse, Charlotte Dollot, directrice générale de Razorfish France, garde espoir : « D’une part, cette étude a une valeur de plaidoyer : plus on parle de ce sujet, plus la prise de conscience progresse. D’autre part, la réglementation va dans le sens de l’amélioration : CSRD, IA Act. Et puis il y a les leviers des comportements humains : les utilisateurs doivent réfléchir à leurs usages et les fabricants mieux concevoir les interfaces. Il faut trouver un équilibre entre l’efficacité pour le client, la qualité d’expérience pour l’utilisateur et le bénéfice pour la planète. »