Le réseau social X a plié face à la justice brésilienne en rendant de nouveau inaccessible son service dans le pays, après avoir créé la surprise en réussissant la veille à contourner son blocage.
Une partie des quelque 22 millions d'usagers de la plateforme dans le plus grand pays d'Amérique latine, le Brésil, avaient depuis mercredi de nouveau accès à X via l'application sur leur téléphone mobile. Or, le 30 août, le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes avait ordonné le blocage du réseau social dont le milliardaire américain Elon Musk est propriétaire, pour avoir notamment ignoré une série de décisions judiciaires liées à la lutte contre la désinformation.
Jeudi, « un peu avant 16H00 (19H00 GMT), X a cessé d'utiliser le service » de la société de cybersécurité Cloudflare qui lui avait permis de contourner l'ordre de blocage, a annoncé à l'AFP Basilio Rodriguez Perez, de l'Association brésilienne des fournisseurs d'accès internet (Abrint), un groupement du secteur. Désormais, la plateforme « est bloquée » de nouveau, a-t-il ajouté. Des journalistes de l'AFP ont constaté que des accès qui étaient redevenus possibles mercredi 19 septembre via téléphone mobile étaient désormais bloqués. Dans leur bras de fer avec Elon Musk, les autorités brésiliennes marquent donc un point, après avoir été manifestement prises de court et mises au défi par le retour surprise de X.
Dans un arrêt rendu public quelques heures plus tôt jeudi 20 septembre, le juge de Moraes avait sommé le réseau social de bloquer à nouveau son service sous peine d'une amende de cinq millions de réais (environ 820 000 euros) par jour. Selon lui, X « s'est montré récalcitrant, de façon illicite, persistante et avec l'intention de ne pas respecter les ordres judiciaires ». Le groupe avait assuré mercredi 19 septembre au soir que le rétablissement de son service était un effet « involontaire » d'un changement de serveur et resterait « temporaire ».
Alexandre Moraes a également exhorté X à désigner dans les 24 heures un représentant légal au Brésil. Le parquet brésilien a par ailleurs demandé jeudi 20 septembre l'ouverture d'une enquête sur les utilisateurs qui ont profité de la levée du blocage du réseau social mercredi pour promouvoir des attaques contre la Cour suprême.
Bataille droite-gauche
L'agence brésilienne des télécommunications (Anatel) a estimé jeudi 20 septembre dans un communiqué que « le comportement du réseau X a montré une intention délibérée de contourner l'ordre de la Cour suprême ». L'agence a assuré qu'elle prendrait « les mesures nécessaires en cas de nouvelles tentatives de contourner la suspension ». « Grâce au soutien des opérateurs de télécommunications et de l'entreprise Cloudflare, il a été possible d'identifier un mécanisme qui, nous l'espérons, (...) pourra rétablir le blocage » de la plateforme, avait précisé l'Anatel. L'Abrint avait expliqué dès mercredi 19 septembre l'opération technique qui avait permis à X d'être de nouveau accessible à des usagers.
« L'application X a été mise à jour (...) durant la nuit (de mardi à mercredi), ce qui a abouti à un changement significatif dans sa structure », avait-elle rapporté. Le recours de X à Cloudflare, qui utilise des adresses IP changeant sans cesse, « rend le blocage de l'application beaucoup plus compliqué », expliquait l'association. Jusque-là, les adresses IP (identifiant les appareils des internautes) étaient fixes et facilement susceptibles de blocage. La suspension de la plateforme a lancé un vif débat au Brésil et au-delà sur les limites de la liberté d'expression sur les réseaux sociaux. Elon Musk a fustigé le blocage, traitant de « dictateur » le juge Moraes. La droite brésilienne emmenée par l'ancien chef de l'Etat Jair Bolsonaro lui a emboîté le pas. La suspension a en revanche été soutenue par le gouvernement du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, au nom du respect des lois.