La guerre lancée par Vladimir Poutine touche un Occident complètement numérisé. Cela redessine les contours du concept de conflit. Tour d’horizon des conséquences.
Au-delà du concept même de cyberguerre, c’est tout le monde numérique qui est touché de plein fouet par le conflit russo-ukrainien. La mondialisation des échanges a imbriqué tous les ressorts de la fabrication du web, et tous les pays se retrouvent impliqués à des niveaux parfois inattendus.
Les logiciels
Peut-on encore utiliser des logiciels russes ? Question légitime, surtout dans le cas d’une cyberguerre sous-jacente. Comme pour le logiciel Yandex.Metrica, alternative à Google Analytics, édité par le « Google russe », Yandex, afin de mesurer le trafic d’un site web. Mais la question est plus radicale pour l’antivirus Kaspersky. Est-ce bien sain, dans ce contexte, de remettre sa sécurité informatique entre les mains de l’ennemi ? « Cela reste une société privée, tempère Guillaume Vassault-Houlière, fondateur de la plateforme de prime à la faille informatique YesWeHack. Il ne faut pas se précipiter, changer ces systèmes est un projet très long. Et dans tous les cas, il ne faut jamais mettre tous ses œufs dans le même panier en sécurité informatique. De plus, la faille est toujours davantage humaine. Mieux vaut d’abord bien parler à ses équipes que de changer tous les outils.»
Les infrastructures
Les tensions font apparaître les failles matérielles du réseau. La Russie peut-elle couper les câbles sous-marins de télécommunication et éteindre internet ? Il faut raison garder. Le web est un assemblage complexe de structures, il n’existe pas de disjoncteur général. Même si un ou plusieurs câbles étaient rompus – ce qui arrive - les coupures seraient très localisées. L’autre question porte sur les satellites de télécommunication. Les tensions entre les pays retardent ou annulent des lancements, comme l’opérateur OneWeb, basé à Londres, qui a suspendu ses opérations depuis le cosmodrome de Baïkonour. Si l’impact est limité pour le moment, les conséquences seraient plus grandes si la guerre venait à durer. En revanche, plus efficaces sont les coupures des « dorsales internet », les sociétés qui gèrent le trafic pour les fournisseurs d’accès, comme Cogent, qui a annoncé couper ses services en Russie : « Les internautes russes pourront subir une baisse ou des interruptions de leur débit de connexion », précise Cogent.
L’isolement
Plus inquiétant est l’isolement total de la Russie du web. Un scénario qui a été testé par le Kremlin en 2019, via le projet Runet, qui consiste à déconnecter le pays du reste du monde, pour ne reposer que sur un intranet national, et qui serait à l’étude selon la société Market Rebellion. Selon elle, le ministre du Développement digital russe, Maxut Shadayev, aurait démenti prévoir une telle coupure, mais planché sur plusieurs scenarii.
La générosité
Les initiatives numériques fleurissent. Entre les plateformes qui recensent les initiatives, comme WeUkraine, sortie en un après midi, par la consultante Camille Cocaud, ou les dons via Airbnb, en louant à Kiev des appartements parfois détruits, le numérique change aussi l’action collective. Tout cela aura forcément un impact à moyen terme sur notre utilisation du numérique.