Gabriel Tissandier, la preuve par le pixel

Difficile d’imaginer en voyant ce trentenaire surbooké, start-upper passant à l’échelle avec une deeptech spécialisée dans l'inspection automobile via l'IA, qu’il était le roi des fêtes nocturnes à Aix-en-Provence dans les années 2010. C’est pourtant à Aix, dans la maison de ses parents, que ce jeune homme de 32 ans a commencé sa vie d’entrepreneur en organisant sono et fiesta. Il crée sa première société à 18 ans. Et comme Gabriel a tendance à accélérer à fond dans tout ce qu’il touche, le hobby est vite devenu une affaire: 125 soirées au total rassemblant 200 à 1500 personnes, des délocalisations sur les pistes de ski... L'étudiant en éco-gestion est assez convaincant lorsqu'il se présente ensuite au master spécialisé en entrepreneuriat de l'ESCP. Et avec son camarade Alexandre Meyer, le copilotage s'avère vite fluide : «C'était un fou de bagnoles et moi je voulais absolument aller dans le digital.»

Aujourd'hui, Gabriel Tissandier dirige ProovStation, société créée en 2018 qui vend des portiques automatiques capables de scanner jusqu'à 500 véhicules par heure en prenant à chaque fois 250 photos sous tous les angles et avec l'éclairage le plus parfait possible. Avantage : cela sécurise la location d'une voiture, la vente d'un véhicule ou la gestion d'une flotte d'entreprise car la preuve est alors indubitable. Une petite éraflure sur l'aile ? Proof. Depuis un an et demi, la société propose même de vendre les voitures après les avoir inspectées du toit au soubassement. Elle assure aussi la mise en relation immédiate, via des partenaires, pour des offres de rachat.

Employant 60 à 80 salariés, ProovStation a signé des partenariats avec Michelin pour les pneus et avec Carrefour où elle équipe vingt hypermarchés. On retrouve la société à la gare de Lyon comme dans les aéroports d'Orly, de Miami ou d'Atlanta. Douze pays ont déjà adopté une centaine de ses portiques. Après WeProov, une appli offrant de photographier soi-même son véhicule créée avec Alexandre Meyer en 2015 (dont ProovStation conserve 40%), Gabriel Tissandier est désormais associé à Cédric Bernard. Leur société a levé 20 millions d'euros pour s'équiper en machines dotés de sa solution «scalable». Des millions d'euros ont été investis pour développer une IA que l'entrepreneur qualifie de «chaîne algorithmique» avec ses différentes briques : à la fois de la computer vision «old school» pour la résolution des pixels et du deep learning avec des données labélisées depuis Bourg-en-Bresse.

Objectif de cette société «made in France» qui table sur un CA de 10 millions d'euros cette année : devenir le leader européen sur les concessionnaires et avoir 200 portiques accessibles au grand public en 2026. «C'est très stimulant intellectuellement, conclut-il, et cela demande sans cesse de s'auto-upgrader. Après telle levée de fonds, on croit toujours que ça va être plus cool, mais cela augmente la pression comme son expertise.»