Le tribunal correctionnel de Paris a reconnu coupable les 28 prévenus qui avaient participé au cyberharcèlement de l'ex-«reine des influenceurs». Booba, lui-même mis en examen pour harcèlement moral aggravé, n'est pas concerné par cette décision.

Victime d'un « lynchage médiatique » après avoir été mise en cause par le rappeur Booba, l'ex-« reine des influenceurs » Magali Berdah a obtenu mardi 19 mars la condamnation à des peines de prison de 28 internautes ayant participé à son cyberharcèlement en « meute ». Dans cette affaire d'ampleur inédite - la plus importante procédure jugée jusque-là pour cyberharcèlement devant la justice française -, ces 28 personnes, âgées de 20 à 49 ans et résidant dans toute la France, étaient poursuivies pour des messages haineux ou injurieux envoyés à Mme Berdah sur les réseaux sociaux.

« Sale chienne », « arnaqueuse », « tu mérites d'être décapitée et lapidée » : certains comportaient des menaces de mort et/ou un caractère sexiste ou antisémite. Le tribunal correctionnel de Paris a reconnu l'ensemble des prévenus coupables, et leur a infligé des peines allant de 4 à 18 mois de prison, assorties de sursis dans la moitié des cas. Parmi les peines les plus sévères, on compte une condamnation à 18 mois d'emprisonnement, dont six mois ferme, et une autre à un an ferme.

Les prévenus ont par ailleurs été condamnés à des amendes de 300 à 700 euros, et à suivre un stage de citoyenneté. Il leur est interdit, pendant deux ans, d'entrer en contact, y compris sur les réseaux sociaux, avec la victime, à qui ils devront verser solidairement 54 000 euros au titre de son préjudice moral.

Il est « démontré » qu'au moment des faits, chacun « a eu connaissance du cyberharcèlement subi par la victime et a fait le choix de s'inscrire sciemment dans celui-ci », a estimé le tribunal. Les juges ont rappelé dans leur décision les « répercussions réelles » de ce phénomène pour la santé mentale de la victime - qui avait confié à la barre avoir été « à deux doigts de (se) jeter par la fenêtre ». « La leçon à retenir, c'est que personne n'est protégé derrière son clavier », s'est félicité devant la presse David-Olivier Kaminski, qui défend Magali Berdah avec Antonin Gravelin-Rodriguez et Rachel-Flore Pardo.

« Ma vie a été détruite »

« Enfin, on me reconnaît comme victime, on déclare que ce que j'ai subi est grave », a commenté de son côté Magali Berdah. « Ma vie a été détruite pendant deux ans à cause de ça, donc (ce jugement) est une belle victoire », a-t-elle ajouté.

La plupart des prévenus ont expliqué avoir voulu mettre en cause Magali Berdah pour de supposées pratiques commerciales trompeuses à travers sa société Shauna Events - qui met en relation influenceurs et marques. Presque tous ont évoqué le rôle dans cette controverse du rappeur Booba, qui s'est lancé en 2022 dans une croisade contre Mme Berdah et contre ceux qu'il appelle les « influvoleurs », qu'il accuse de multiples arnaques à l'encontre des internautes.

Booba est lui-même mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour harcèlement moral aggravé. Il n'était pas concerné par la décision rendue le 19 mars, ce qui n'a pas empêché le tribunal de relever que les faits jugés découlaient de ses publications, dont « les prévenus avaient parfaitement connaissance », ont résumé dans un communiqué les trois défenseurs de la victime.

Chef de meute

En décembre sur France 2, Booba avait rejeté toute responsabilité dans les faits reprochés aux 28 prévenus, réfutant avoir été le chef d'une « meute ». Pour David-Olivier Kaminski toutefois, la justice l'a bien « identifié » comme tel, comme celui qui a « déclenché toute cette haine ». « Il aura son heure judiciaire, elle viendra », a-t-il ajouté.

Magali Berdah doit par ailleurs être elle-même jugée en septembre à Nice pour banqueroute et blanchiment, mais pour des faits antérieurs à la création de sa société Shauna Events, tandis que cette agence fait l'objet d'une enquête préliminaire à Paris, notamment pour escroquerie. Quoi qu'il en soit, « rien ne saurait justifier le cyberharcèlement, et certainement pas le comportement de la personne qui en est la cible », a commenté Rachel-Flore Pardo, pour qui la décision de mardi marque « un tournant dans la lutte » contre ce phénomène.

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