Après trois ans de bataille, Epic Games remporte une manche judiciaire contre Google, qu'il accuse de monopole sur le marché des applications mobiles.
Plus de trois ans après le début de sa rébellion contre Apple et Google, Epic Games a remporté une victoire majeure contre Google, lundi 11 décembre. Il a été soutenu par un jury californien convaincu que le géant des technologies abuse de son monopole sur le marché des applications mobiles au détriment des développeurs.
« Victoire contre Google ! », a lancé sur X (ex-Twitter) Tim Sweeney, patron de l'éditeur du jeu phénomène Fortnite. Celui-ci s'est embarqué à l'été 2020 dans une guerre contre Google et Apple, qui dominent l'économie mobile mondiale. « Le travail du tribunal sur les mesures de rétorsion commencera en janvier. Merci à tous pour votre soutien ! Libérez Fortnite ! », a-t-il ajouté.
Une situation de monopole
Après quatre semaines de témoignages, le jury a, en effet, donné raison à Epic Games sur tous les chefs d'accusation : Google détient bien, selon eux, un monopole sur le marché de la distribution d'applications sur Android [le système d'exploitation mobile de Google] et sur celui des services de paiement dans les applications. Ils estiment que Google a agi de manière anti-concurrentielle sur ces marchés, qu'Epic a subi un préjudice du fait de ce comportement et que le lien entre le magasin d'applications Google Play Store et son service de paiement, Google Play Billing, est illégal.
« Le verdict rendu aujourd'hui constitue une victoire pour tous les développeurs d'applications et les consommateurs du monde entier », a déclaré Epic Games dans un communiqué publié dans la foulée. Google « abuse de son monopole pour soutirer des frais exorbitants, étouffer la concurrence et réduire l'innovation », a encore assené l'entreprise.
Google va contester
« Nous avons l'intention de contester le verdict », a réagi Wilson White, un vice-président de Google, dans une déclaration transmise à la presse. « Android et Google Play offrent plus de choix et d'ouverture que n'importe quelle autre grande plateforme mobile. Le procès a clairement montré que nous sommes en concurrence féroce avec Apple et son App Store ainsi qu'avec les boutiques d'applications sur les appareils Android et les consoles de jeux », a-t-il continué.
La défaite de Google arrive dans un contexte juridique déjà difficile pour le groupe américain : les Etats-Unis l'accusent d'entretenir un monopole sur le marché des moteurs de recherche. Un procès historique a eu lieu cet automne, le verdict n'est pas encore connu.
De son côté, le studio de Fortnite savoure d'autant plus sa victoire qu'il avait perdu une manche importante en 2021, lors de son procès contre Apple pour les mêmes raisons. Une juge fédérale américaine avait sommé le fabricant de l'iPhone d'autoriser un système de paiement alternatif au sein de l'App Store mais avait également estimé qu'Epic n'avait pas réussi à prouver d'infraction au droit de la concurrence de la part d'Apple.
Contrats d'exclusivité illégaux
Epic reproche à Apple et Google, via Android et iOS, d'imposer aux développeurs d'applications l'utilisation de leurs plateformes de téléchargement, le Play Store et l'App Store, ainsi que leurs systèmes de paiement, et de leur faire payer des commissions trop élevées (30%).
Contrairement à la marque à la pomme, Google autorise les magasins alternatifs. Mais selon l'éditeur de Fortnite, c'est une illusion, et Android n'est guère plus ouvert que iOS. « Seuls 3% des téléphones sous Android aux Etats-Unis ont réussi à télécharger une autre boutique d'applis sur le web », a noté lundi 11 décembre Gary Bornstein, avocat d'Epic, lors de son argumentaire final. Il a surtout reproché à Google d'abuser de son pouvoir pour conclure des contrats avec différentes entreprises, afin de verrouiller son emprise sur le marché de la distribution des applications.
Un argument similaire à celui des procureurs du ministère de la Justice, qui accusent le groupe californien d'avoir bâti son empire non pas grâce à sa popularité mais via des contrats d'exclusivité illégaux, pour que son moteur de recherche soit installé par défaut sur les appareils et services d'Apple et Samsung, notamment. « Epic se bat contre un monopole. Quand Epic gagne, tout le monde gagne », a assuré Gary Bornstein.
« C'est faux », a rétorqué Jonathan Kravis, avocat de Google. Il a fait valoir que l'éditeur ne faisait pas payer moins cher aux utilisateurs qui passent par son propre magasin (plutôt que par Android ou une console de jeux), malgré l'absence de commission. « Les actes d'Epic sont plus éloquents que ses paroles ». Epic Games veut pouvoir se servir du Play Store
« gratuitement » a-t-il encore contre-attaqué. « Chers jurés, nous aimerions tous des choses extraordinaires gratuitement. Mais le droit de la concurrence n'oblige pas Google à offrir ses services gratuitement ».